Renaissance des axes ferroviaires au Sénégal : après le TER, le Sénégal se tourne vers la relance du secteur et la réhabilitation de plusieurs tronçons
20 avril 2022 / 11:30

Le réseau ferroviaire sénégalais qui était autrefois très dynamique, s’est progressivement dégradé pour s’arrêter complètement en 2016. En effet, deux des plus grands axes ferroviaires du pays ne sont plus actifs depuis des années. La ligne Saint-Louis-Dakar inaugurée en 1885 qui constituait la première voie ferrée en Afrique occidentale française a été abandonnée alors que la voie qui reliait Dakar à Bamako depuis 1924 est en déclin progressif impactant quasiment toutes les zones qui longeaient cet axe ferroviaire, de Dakar à Thiès en passant par Tambacounda jusqu’à Bamako. Toutefois avec l’avènement du TER (Train Express Régional) qui a été inauguré par le Président Macky Sall, la renaissance des axes ferroviaires est plus que jamais d’actualité pour l’État du Sénégal qui a annoncé un plan national de relance des projets ferroviaires ainsi que la réhabilitation de plusieurs axes stratégiques qui faisaient le bonheur des usagers et des populations résidantes.

Après une réception en 2019 et plusieurs reports en 2020, le Train Express Régional (TER) a été finalement mis en circulation au mois de décembre 2021 pour le bonheur des usagers. Pour un coût global de 780 milliards, le TER compte quatorze gares desservies sur son itinéraire et pourra transporter quotidiennement pas moins de 115.000 voyageurs durant sa première phase de lancement sur un trajet de 45 minutes.

A terme, cet itinéraire sera prolongé jusqu’aux villes de Mbour et Thiès. Une convention signée avec le Petit Train Banlieue (PTB), devenu aujourd’hui Grands Trains du Sénégal (GTS-SA) permettra aux voyageurs, à partir de Diamniadio de se rendre à Thiès par voie ferroviaire.

Il faut souligner que la phase deux du TER soit 19 km de voies supplémentaires va relier Diamniadio à l’aéroport AIBD en fin 2023. Le Petit Train de Banlieue (PTB) était quant à lui un train de voyageurs qui assurait un service régulier entre la gare de Dakar et celle de Rufisque qui a été créé en 1987. Le train portait jusqu’au 2003 le nom du « Petit Train Bleu ». Son exploitation a été finalement stoppée récemment en 2016.

Dakar-Bamako et Dakar Saint Louis, deux axes légendaires en veille

Cette mise en service du TER après une longue attente suscite de nombreuses réactions et réflexions notamment la relance de plusieurs axes ferroviaires qui ont marqué l’histoire du Sénégal et qui avaient un impact socio-économique conséquent.

C’est le cas du train de « légende » Dakar Bamako (Koulikoro) construit par l’administration coloniale française à la fin du XIXe et début du XXe siècle. Élaboré par Gallieni, commandant du Soudan français, il avait pour but de transporter rapidement des troupes et d’exporter les ressources naturelles du pays vers le Port de Dakar. De plus, le réseau devait servir de point d’arrivée de la liaison transsaharienne.

La ligne fut construite à voie métrique en deux tronçons et mesure au total 1.287 km dont 641 km s’étendent au Mali. La section malienne entre Kayes et Bamako avec extension sur Koulikoro à l’Est, fut inaugurée le 19 mai 1904. La liaison Dakar-Bamako fut inaugurée le 1er janvier 1924.

En octobre 2003, les gouvernements du Sénégal et du Mali ont confié la gestion du réseau à la société Transrail, d’abord dirigée par un consortium franco-canadien (Canac-Getma), puis par la firme belge Vecturis SA à partir d’avril 2007. Le service voyageur se résumait à une liaison Dakar-Bamako aller et retour par semaine à une vitesse maximum de 65 km/h.

Le train repartait vers Dakar le mercredi. Mais finalement la liaison a été suspendue au mois de mai 2010. À cause du mauvais état des rails, la liaison ferroviaire entre Dakar et Bamako est à l’arrêt. Alors que la réhabilitation de la voie ferrée avait pourtant été décidée en 2010 pour relancer le trafic, rien n’est encore fait même si l’État annonce dans son programme de relance la création d’une nouvelle ligne ferroviaire entre Dakar et Tambacounda.

La ligne Dakar-Saint-Louis alors capitale de la colonie, inaugurée en 1885, a été abandonnée. Il s’agissait de la première voie ferrée en Afrique occidentale française, projet auquel Lat Dior tenta de s’opposer mais qui finalement a vu le jour.

Avec la disparition du train Saint-Louis-Dakar, c’est un pan de l’histoire du Sénégal qui s’est éclipsé ». Depuis plusieurs années, les locomotives ne vrombissent plus à la gare ferroviaire de la cité tricentenaire. Symbole de l’histoire du train au Sénégal, l’édifice est aujourd’hui un immense bazar.

Construite en face du Pont Faidherbe, autre monument centenaire, elle est défigurée par « l’implantation des cantines commerciales à outrance qui enrichit la société concessionnaire, les collectivités locales et quelques intérêts privés (voir par ailleurs). Ces derniers bénéficiaires de baux du domaine ferroviaire, construisent et louent magasins et autres patrimoines immobiliers à des tiers. Les bureaux du chef de gare, la billetterie et le hall n’y échappent pas.

Ce premier chemin mythique de fer construit en Afrique subsaharienne par la compagnie de construction des Batignolles a pratiquement disparu laissant les gares seuls encore debout, résistant au temps alors que les rails se sont ensablés durant le temps. A Louga, Diourbel et Thiès, le boulot de la société concessionnaire n’a pas varié depuis fort longtemps.

Que faut-il savoir du chemin de fer Dakar-Niger ?

Le projet de construction de la ligne de chemin de fer Dakar-Niger est élaboré à la fin du XIXe siècle par le général Gallieni, commandant du Soudan français. L’objectif était de relier le fleuve Niger et le port de Dakar afin de permettre l’acheminement des matières premières vers la métropole. La construction de la ligne sera achevée au début du XXe siècle : le tronçon Kayes-Koulikoro sera inauguré en 1904 et la totalité de la ligne, Dakar-Koulikoro, en 1924.

À l’indépendance du Mali et du Sénégal, après l’éclatement de la Fédération du Mali, l’ancienne Régie des Chemins de fer de l’Afrique de l’Ouest est scindée en deux compagnies distinctes, la Régie des chemins de fer du Mali (RCFM) et la Régie sénégalaise. Un accord entre le Sénégal et le Mali en 1962 détermine l’exploitation commune de la ligne par les deux régies.

En 1947, une grève des cheminots éclate et va durer plusieurs mois afin d’obtenir les mêmes droits que les cheminots français et une revalorisation de leur salaire. La grève dure du 11 octobre 1947 au 19 mars 1948 et aboutit à une augmentation des salaires de 20 % malgré entre autres l’emprisonnement du leader syndical Ibrahima Sarr et le licenciement de grévistes.

L’écrivain sénégalais Ousmane Sembène relate cette grève dans son roman Les Bouts de bois de Dieu publié en 1960. Le film « Les pirogues des Hautes Terres » raconte aussi l’affrontement entre les colons et les cheminots.

Un manque à gagner énorme pour le Sénégal

Globalement, le réseau ferroviaire sénégalais présente aujourd’hui deux visages contrastés : un TER moderne en service, entre Dakar et l’aéroport Blaise Diagne, et une infrastructure décrépite vieille de plus de 80 ans qu’est la ligne de chemin de fer Dakar-Bamako.

Depuis sa création en 1924, la ligne de chemin de fer Dakar-Bamako n’a jamais été modernisée. Les voies ont vieilli et certains tronçons sont devenus quasiment impraticables. Seules quelques locomotives fonctionnent aujourd’hui. Cette situation a engendré en 2010, puis en 2018, l’arrêt des rotations ferroviaires, avec des conséquences énormes pour les deux pays.

Pour le Sénégal, cette immobilisation a fait perdre au port presque 20 % de ses flux alors que Dakar est en compétition avec d’autres ports de la sous-région comme celui d’Abidjan, de Lomé, de Tema ou encore de San Pedro.

Pour le Mali, le rail constituait un vrai couloir de désenclavement du pays et le train faisait vivre beaucoup de monde. Aujourd’hui, la précarité s’installe dans les zones où le train passait autrefois et les commerces qui s’y effectuaient ont pratiquement disparu.

La chaîne logistique impactée

Plus largement, c’est toute la chaîne logistique qui a été bouleversée par la déliquescence du train. Faute de fret, la route entre Dakar et la frontière malienne est aujourd’hui encombrée par 300 à 400 camions qui quittent chaque jour le port sénégalais pour rallier les autres pays de la sous-région.

Un flux routier beaucoup trop dense pour les infrastructures actuelles. Ce trafic occasionne la dégradation rapide des routes et de nombreux accidents ». Relancer le train permettrait de réduire de 500 km le trajet routier de Dakar à Bamako. Les conteneurs passeraient par les rails jusqu’à Tambacounda, avant de continuer par la route. Le transport routier seul n’est pas suffisant et certains matériaux sont trop lourds et difficilement transportables en camion.

Une privatisation qui a complètement déraillé

En 2003, le Mali et le Sénégal avaient décidé d’accorder une concession globale et intégrale à la société franco-canadienne Transrail SA pour une durée de 25 ans. La société s’engage à supporter l’entretien et l’exploitation de la ligne, mais aussi à investir dans la réfection des infrastructures.

Ce fut un constat d’échec : la dégradation de l’infrastructure et l’usure du matériel ne permettent plus de continuer l’activité ferroviaire qui présente de plus en plus un danger pour les usagers avec des accidents fréquents. Ceci entraîne l’arrêt des transports voyageurs en 2010, avant même la résiliation de la concession. Les deux États décident en 2015 de mettre fin à la concession qui devait durer jusqu’en 2028.

« Les Chemins de fer du Sénégal » (CFS) prend le relais de Dakar-Bamako (DBF)

C’est au mois de mai 2020 que l’Assemblée Nationale du Sénégal avait voté la loi portant sur les fonts baptismaux la société nationale « Les Chemins de Fer du Sénégal » (CFS) qui a remplacé depuis lors Dakar-Bamako (DBF).

Rappelons que le Mali et le Sénégal avait créé cet organe afin qu’il prenne le relais de Transrail mais aussi pour assurer la phase de transition et démarrer la relance de ce trajet Dakar-Bamako. Toutefois, ce projet semble être rangé dans les tiroirs puisque l’État veut désormais réhabiliter la ligne ferroviaire Dakar-Tambacounda en gardant l’écartement métrique et a décidé de confier le projet aux canadiens.

L’arrêt depuis 2018 du service ferroviaire sur l’axe Dakar-Tambacounda continue d’affecter la mobilité des usagers du tronçon, de même que l’exploitation des minerais de phosphates dans la partie Est du pays. Une situation que le gouvernement sénégalais s’attèle à résoudre au plus tôt.

L’État sénégalais espère une enveloppe de 1965 milliards FCFA (2,9 milliards d’euros) de la part du Canada, par l’entremise de la Coopération commerciale canadienne (CCC) en vue de financer le projet ferroviaire « Dakar-Tamba fast track ». C’est ce qu’avait révélé Kibily Touré, Directeur général de la Société nationale des chemins de fer du Sénégal (SN-CFS), lors d’un entretien accordé au média sénégalais Le Soleil.

Le Dakar-Tamba fast track est un projet ferroviaire qui porte sur la reconstruction de la voie ferrée reliant Dakar à Tambacounda, une ville de l’Est du pays, située à environ 467 km de la capitale. Le projet tel que présenté, devrait permettre d’ériger « une nouvelle ligne à écartement standard dotée de deux voies, avec un poids à l’essieu de 22,5 tonnes ». Un premier segment qui constitue en même temps l’axe ferroviaire principal auquel seront adossées des lignes auxiliaires de 194 km de linéaire qui sont des embranchements miniers, industriels et portuaires.

Pour l’exécution du projet, AECOM, le géant canadien de la construction, affiche depuis l’année dernière son intention de conduire l’exécution des travaux. En attendant d’obtenir la validation de l’accord, actuellement soumis à l’arbitrage du ministère des Finances et du Budget et de celui de l’Économie, du Plan et de la Coopération, le gouvernement projette de lancer les travaux en septembre 2022. Avec comme délai d’exécution 54 mois.

La relance du ferroviaire offre de belles perspectives pour le Sénégal

La mort du train n’est pas attribuée à un défaut de rentabilité, mais plutôt par les retards intempestifs, la vétusté progressive du matériel, la fraude et les passe-droits. Malgré tout, il faut, à tout prix, faire revenir le train, car, on ne peut citer un seul exemple de pays développé, sans le chemin de fer.

Le cas du Sénégal est d’autant plus prégnant que le transport fluvial qui se développait parallèlement tout long de la vallée du fleuve avec des navires comme le Bou El Mogdad et le Boufflers, est aussi passé à trépas. C’est en cela que réside la pertinence des ambitions de l’ancien Président Abdoulaye Wade et de l’actuel chef de l’État Macky Sall de doter le Sénégal de TGV mais aussi d’autres trains à grands écartements à travers un programme de relance bien défini.

Les objectifs conjuguent bien les aspects sociaux et environnementaux avec les préoccupations commerciales et de rentabilité financière. Ils sont parfaitement alignées avec les axes 1 et 2 de la politique ferroviaire nationale. Rappelons que les trois axes consistent à renforcer l’interconnectivité des branches d’activités économiques, soutenir la politique et promouvoir l’intégration régionale.

La renaissance du secteur ferroviaire est plus que jamais d’actualité au Sénégal avec l’avènement du TER alors que l’État veut axer sa démarche sur la modernisation et la rationalisation des transports ferroviaires. Un souhait du président Macky Sall qui a réaffirmé son engagement à faire de ce secteur un hub logistique sous régional.

Dans cette dynamique la société « Les Grands Trains du Sénégal » (GTS) compte jouer pleinement son rôle dans la relance du secteur ferroviaire et veut se positionner en relais au TER en faisant la connexion à partir de Diamniadio et les départements intérieurs du pays.

Dans cette optique GTS annonce la mise en service de trois rames de trains réversibles sur le réseau pour desservir l’axe Tivaoune-Diamniadio. Avec une capacité de 240 places assises pour chaque rame, ces trains devront rassurer les travailleurs de chemins de fer quant à la sauvegarde de leur outil de travail. Ainsi, GTS S.A est en phase avec son programme de remise en service de son parc de trains pour satisfaire la demande, notamment la ligne express vers Tambacounda.

Youssouf B H SANÉ

Rédacteur en Chef

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