Le Sénégal regorge d’énormes ressources minières dont l’extraction ne génère que près de 1500 milliards FCFA pour l’Etat. Ce chiffre est très faible par rapport aux immenses opportunités non encore exploitées. Une seule de ces ressources suffirait largement à positionner le pays dans le top 50 des pays les plus développés.
L’analyse de la politique minière nous pousse donc à nous poser un certain nombre de questions à savoir :
- Quel est le potentiel actuel du Sénégal ?
- Quelle est la place de l’industrialisation dans l’exploitation des ressources minières ?
- Quel est le niveau de contrôle et de maîtrise dont dispose l’Etat ? A travers la formation, avons-nous suffisamment préparé les jeunes générations à faire face aux défis technologiques et scientifiques liés au niveau d’expertise requis dans l’exploitation et la transformation des ressources minières ?
Quelle place occupent les entreprises locales dans la chaîne logistique d’exploitation des ressources minières ? Quels sont les impacts environnemental, social et économique de cette exploitation ? Voici autant de questions dont les réponses ne seront pas exhaustives dans notre réflexion.
LÉGISLATION, RÈGLEMENTATION
Le secteur minier est régi, entre autres, par le Code Minier (Loi 2016-32 du 08 Novembre 2016), le décret d’application (2017 459 du 21 Avril 2017) et le décret portant création et fixant les modalités d’alimentation et de fonctionnement du fonds de réhabilitation des sites miniers (2009-1335 du 30 novembre 2009). Le Code Minier constitue le cadre juridique d’intervention dans le domaine minier.
Le secteur minier est régi, entre autres, par le Code Minier (Loi 2016-32 du 08 Novembre 2016), le décret d’application (2017 459 du 21 Avril 2017) et le décret portant création et fixant les modalités d’alimentation et de fonctionnement du fonds de réhabilitation des sites miniers (2009-1335 du 30 novembre 2009). Le Code Minier constitue le cadre juridique d’intervention dans le domaine minier.
Il prévoit divers types de titres miniers et définit les conditions d’obtention, les droits conférés et les caractéristiques de chaque type de titre minier et de carrière. Il est complété par une convention minière type prévue par l’Article 42 du décret d’application sus-indiqué.
La convention minière fixe entre autres les conditions générales de recherche, d’exploitation, de transport et de commercialisation, le régime des personnes morales créées, avec la participation de l’Etat comprenant une participation gratuite de 10%, les conditions juridiques, fiscales, douanières, économiques, financières, foncières et administratives des activités de recherche et exploitation et les dispositions relatives au transfert des capitaux investis, des produits, dividendes et intérêts des prêts contractés.
Le Décret n°2021-623 du 17 Mai 2021, portant organisation du ministère des Mines et de la Géologie, propose la mise en place d’un dispositif organisationnel cohérent et apte à répondre, avec efficacité, aux enjeux stratégiques et projets ambitieux de l’administration minière, à savoir : la mutation de la Direction des Mines et de la Géologie (DMG) vers une Direction Générale des Mines qui est une nécessité selon le décret, afin de faire face aux nouveaux défis induits par l’intensification, la diversification des activités minières et une organisation par sous-secteur d’activités.
Ainsi, il est créé, quatre Directions au sein de la Direction générale des Mines : La Direction des Mines, la Direction des Carrières, la Direction de l’Exploitation Minière Artisanale et à Petite Échelle et la Direction de la Réglementation, de la Production Minière et des Statistiques.
- La création de la Direction de la Géologie pour une définition et un suivi de l’application d’une nouvelle politique nationale incarnée par la mise en place d’un service géologique national (EPIC) qui permettra une meilleure connaissance de notre patrimoine géologique ;
- Le renforcement des compétences de la Direction du Contrôle et de la Surveillance des Opérations Minières (DCSOM) pour une optimisation du dispositif de surveillance et de contrôle des opérations minières ;
- La mise en place d’une Cellule de suivi des Fonds dédiés au secteur minier et géologique pour une meilleure opérationnalisation desdits fonds et un accompagnement de tous les efforts initiés en faveur du développement territorial ;
- La mise en place d’une Cellule de Coordination du Contrôle de Gestion pour faciliter le pilotage de la performance des programmes ;
- La mise en place d’une Cellule de suivi du milliard soit 34% de la production totale, suivie du ciment, évalué à 341 milliards soit 22%, de l’acide phosphorique avec une production 298 milliards soit 19%, des phosphates avec 79 milliards (5,3%), d’ilménite avec 74 milliards (5,1%) et du zircon 62 milliards (4,1%). La valeur ajoutée du secteur extractif est passée de 598 en 2020 à 730 milliards en 2021 soit une hausse de 22%. Cette hausse s’accompagne d’une création d’emplois qui est passée de 9 508 à 11 213 travailleurs entre 2020 et 2021, pour une masse salariale de 101 milliards.
Par rapport à la contribution fiscale, le secteur extractif est passé en 2021 à 206 milliards (dont 190 milliards pour le secteur minier), soit 8% (dont 7,4% du secteur minier) des recettes budgétaires.
LE POTENTIEL PÉTROLIER ET GAZIER
Les immenses réserves de pétrole et de gaz découvertes récemment pourraient faire croire que les hydrocarbures sont une nouveauté au Sénégal alors qu’elle date de la première guerre mondiale. En effet, d’après l’ITIE, les traces de bitume rencontrées dans les calcaires en 1917 et les indices de gaz et d’huiles retrouvés dans un forage d’eau en 1932 aux environs de Dakar sont les premières références connues d’hydrocarbures au Sénégal. Les véritables recherches débutent en 1952 sous l’égide du Bureau de Recherches Pétrolières (BRP).
Ainsi, entre 1952 et 1977, 122 puits d’exploration furent forés en onshore par la Société Africaine des Pétroles (SAP) et la Compagnie des Pétroles Total Afrique de l’Ouest (COPETAO). Après une certaine accalmie des activités de recherche, un regain est constaté entre 1966 et 1979 avec 29 puits d’exploration forés par les compagnies COPETAO, ESSO et TOTAL TEXAS GULF, principalement en offshore.
Le second choc pétrolier de 1979 entraînera une nouvelle baisse des activités et, pour relancer la recherche au Sénégal, l’Etat décide de créer la Société des Pétroles du Sénégal, « PETROSEN », en 1981. Depuis, 53 puits d’exploration, d’évaluation et de production ont été forés aussi bien en offshore qu’en onshore (Source PETROSEN, 2019). L’année 1987 marque la découverte du gisement de gaz naturel de Diamniadio Est et sa mise en exploitation.
Nous notons également, en 1993 : la découverte et mise en production du puits de gaz de Diamniadio (DN-14). Ce gaz a alimenté la première turbine à gaz de la SENELEC au Cap des Biches. Les plus récents sont localisés dans la zone de Gadiaga/Sadiaratou où du gaz naturel est produit de 1997 à nos jours, ainsi qu’au niveau des blocs de Sangomar offshore profond, Saint Louis offshore profond et Cayar offshore profond où PETROSEN et ses partenaires ont découvert du pétrole et du gaz naturel entre 2014 et 2018.
Cependant les attentes sont très fortes de la part des jeunes (34%), désespérée par rapport aux retombées économiques de attendues de l’exploitation du pétrole et du gaz. Avec cette jeunesse majoritairement exacerbée et en perte d’espoir, il est nécessaire de les rassurer à travers une communication juste, une transparence dans la signature des contrats et dans l’exploitation et une bonne politique économique et sociale afin de freiner l’immigration clandestine galopante qui en tue des dizaines de milliers.
En effet, des retards ont été notés sur les premiers barils prévus en 2021. Si British Petroleum (BP), le principal actionnaire du Grand Tortue Ahmeyim (GTA) avance des raisons techniques, Woodside et ses partenaires évoquent la pandémie comme étant la principale cause.
Situé à 100 km au large de Dakar, le gisement offshore Sangomar profond, dispose des réserves estimées à plus de 2,5 milliards de barils de pétrole brut et la production entre 100 000 et 120 000 par jour, selon les estimations. Le gisement Grand Tortue Ahmeyim (GTA), à cheval entre le Sénégal et la Mauritanie pour la production de Gaz naturel liquéfié (GNL) de 2,5 millions de tonnes par an est attendu à partir de 2024.
Sa capacité de production est estimée à plus de 10 millions de tonnes par an, à compter de 2026, avec les phases 2 et 3. Les ressources gazières récupérables sont considérables, estimées à environ 420 milliards de mètres cubes. Pour mieux s’en rendre compte, on peut comparer ce chiffre à la consommation gazière de l’ensemble du continent africain en 2020. Celle-ci était de 153 milliards de mètres cubes, selon la BP Statistical Review of World Energy publiée en juin 2021.
Le projet pourrait, donc, et en théorie, couvrir toute la consommation gazière de l’Afrique pendant un peu moins de trois ans. Ce potentiel pétrolier, mais surtout gazier, place le Sénégal en quatrième position au niveau mondial.
COMMENT MIEUX TIRER PROFIT DE CES RESSOURCES
Nous estimons que ce potentiel éloquent mérite des actions fortes pour tirer au mieux profit de, ces richesses. A cet effet, invitons à la réflexion sous différents angles à savoir :
- l’adaptation de la formation professionnelle sur les métiers des mines, en passant par des niveaux de techniciens, jusqu’aux ingénieurs et managers, sans oublier la construction de laboratoires de recherche dans tous les domaines miniers : ainsi on aura un transfert de technologie avec la création d’universités scientifiques spécialisées ;
- l’adaptation de nos infrastructures de transports aux besoins d’acheminement des minerais à travers le dragage et la construction de trois grands ports à Saint Louis, Kaolack et Ziguinchor, la construction de voies ferrées et d’autoroutes qui vont interconnecter les zones de productions aux différents ports. A cela, s’ajoute la nécessité de construire des passerelles mobiles afin de faciliter le transport de colis hors gabarits ;
- la préservation stricte de l’environnement avec la protection des eaux et océans, des terres agricoles, des sols et sous-sols. Des enquêtes et audits réguliers sur l’impact environnemental doivent être menés, sans compromission, ni complaisance, suivis de publications et de sanctions en cas de manquements. Des actions préventives (formations et matériel adéquat) doivent être mises en place par les exploitants, les services des Eaux et Forêts, les Sapeurs-Pompiers, afin de pouvoir contenir tout risque de pollution, d’accident ou d’incident, de quelque nature de que ce soit ;
- le développement des entreprises sénégalaises en logistique minière pour gérer les opérations de transport, de manutention, de stockage, etc. Pour cela, il faut une réforme du parc automobile et des engins de manutention, un personnel qualifié, la mise en place d’un système de management de la qualité qui répond aux exigences sécuritaires du métier suivant les standards internationaux.
Cette politique sera sous-tendue par la préférence nationale afin de créer des champions nationaux, qui, certainement, vont grandement contribuer à la création d’emplois ;
- le développement du tissu industriel local quasiment inexistant pour assurer la transformation des matières premières issues du secteur minier en produits finis. Des joint-ventures avec les industriels étrangers sont à encourager pour l’implantation d’usines, en partenariat avec des entreprises sénégalaises : ainsi, on crée véritablement de la valeur ajoutée ;
- L’établissement d’une loi relative à la Responsabilité Sociétale d’Entreprise (RSE) des sociétés minières, en précisant certaines obligations, en termes de recrutement de la main d’œuvre locale, de construction de routes avec assainissement et éclairage, de construction de structures sanitaires équipées, de construction d’écoles et de laboratoires de recherches équipées, d’électrifications, de construction de forages, etc. Ces mesures sociétales entraineront une adhésion massive des populations locales, mais surtout une meilleure amélioration de leur cadre de vie ;
- Une contribution forfaitaire de l’exploitant, dont le montant sera directement reversé trimestriellement aux Collectivités Locales, aux Communes, … afin qu’elles puissent tirer profit de l’exploitation de leur sous-sol et servir les populations.
Le Sénégal dispose d’un avenir radieux par rapport à son potentiel minier et aux gisements incommensurables du pétrole et du gaz, Cependant il est nécessaire de bénéficier d’une stabilité politique qui perdure et d’une politique économique et de jeunesse bien repensés afin de susciter l’intérêt qui pourrait servir de socle et de faire renaitre l’espoir de la nation. Pour ne pas rater le rendez-vous de cette prospérité, accordons plus d’intérêt à l’éducation et à la formation. Vive le Sénégal !
MAMADOU BIRANE MBODJi : Président de l’Association Senegal Supply Chain
(Edito magazine n°9)
0 commentaires