Amadou dia : le transit, une profession
14 juillet 2023 / 09:20

Les montants des droits et taxes à liquider pour les importions assujetties à la mise à la consommation et ceux suspendus, parce que les marchandises concernées, sont déclarées en régime de transit sont énormes. Le contrôle est strict pour empêcher des fraudes sur les valeurs et les soustractions. La douane veille sur toutes les opérations pour sécuriser les recettes devant alimenter le budget national. Face à ces enjeux, l’autorité douanière, qui défend les intérêts de sa tutelle, le ministère des Finances et du Budget, a préféré avoir un unique, voire, principal interlocuteur défini, dans le code des douanes, par la qualité de commissionnaire en douane agréé.

Dans le langage familier local, ce professionnel, expert en matière de procédure douanière pour l’affectation d’un régime à une marchandise à l’importation, à l’exportation, en transit, en transbordement ou en réexportation, est appelé transitaire. Il peut être une personne physique ou morale. Ailleurs, par exemple en Europe, plus exactement en France, il est fait mention du transitaire mais aussi du courtier en douane.

Les définitions de ces deux appellations nous permettront de déterminer laquelle est plus proche du commissionnaire en douane cité dans le Code des Douanes du Sénégal suivant la Loi 2014-10 du 28 février 2014.

Les transitaires sont définis comme des experts liés à la chaîne d’approvisionnement qui se concentrent sur la logistique et le transport physique des marchandises. Cette position les met en contact avec tous les acteurs du processus d’exportation ou d’importation. Les courtiers en douane peuvent avoir le statut d’un particulier, d’une association de personnes, d’une société. Ils sont habilités, quelle que soit la forme juridique empruntée, par l’autorité à aider les importateurs et les exportateurs à satisfaire aux exigences de l’Etat en matière d’importations et d’exportations (formalités de dédouanement).

Grâce à leur expertise, ils soumettent les informations nécessaires et les paiements appropriés au service des douanes, au nom de leurs clients, en échange de rémunération pour la prestation. Pour aider correctement l’importateur ou l’exportateur, le courtier en douane doit maîtriser les procédures d’entrée, les conditions de recevabilité, de classement, de l’évaluation des droits de douane, les taxes et les frais applicables aux marchandises, surtout à l’importation. Il est l’intermédiaire entre l’opérateur économique et l’administration des douanes garante des recettes pour le trésor public.

Nous voyons que le courtier en douane de l’Occident correspond au commissionnaire en douane agréé de notre environnement économique. Tout transitaire n’est pas commissionnaire en douane agréé. Cette différence est facilement perceptible dans le code des douanes qui ne parle nulle part de transitaire.

Dans le Titre V, Chapitre premier relatif à la déclaration en détail, précisément dans la Section I sur le caractère obligatoire de cette opération, il montre le rôle incontournable du commissionnaire en douane. La Section IV dévolue aux personnes habilitées à déclarer les marchandises en détail dispose dans son Article 122 – alinéa 1 : « Sous réserve des dispositions de l’Article 127 (consacré aux autorisations exceptionnelles), les marchandises importées ou à exporter doivent être déclarées en détail par les personnes morales ayant obtenu l’agrément de commissionnaire en douane dans les conditions prévues par les articles 123, 124, 125 et 126 du présent code ».

Par la suite, il est clairement précisé à travers l’Article 123, ce qui suit :

  • Nul ne peut faire profession d’accomplir pour le compte d’autrui les formalités de douane concernant la déclaration en détail des marchandises s’il n’a été agréé comme commissionnaire en douane.
  • Cet agrément est donné par arrêté du Ministre chargé des Finances sur proposition du Directeur général des douanes et après avis d’un comité dont la composition et les modalités de fonctionnement sont fixées par décret. L’arrêté fixe les bureaux de douane pour lesquels l’agrément est valable (ce choix préalable est déterminé par le demandeur qui opte de se circonscrire à un seul ou plusieurs bureaux).
  • L’extension de l’agrément est accordée dans les mêmes formes que l’agrément lui-même.
  • La suspension ou le retrait définitif de l’agrément intervient par arrêté du Ministre chargé des Finances sur proposition du Directeur général des douanes, après avis du comité prévu dans l’alinéa 2 ci-dessus, notamment lorsque le titulaire de l’agrément a contrevenu gravement à la législation douanière, fiscale ou aux usages de la profession ou en cas de caducité.

L’autorité douanière a, non seulement, choisi son interlocuteur qui sera son intermédiaire avec l’opérateur économique mais elle a préféré verrouiller cette relation en la rendant exclusive par son Article 124 qui dispose dans son alinéa premier : « L’agrément de commissionnaire en douane est donné à titre personnel à la personne morale bénéficiaire. L’agrément n’est ni cessible à titre gratuit ou à titre onéreux, ni transférable ».

Cette position privilégiée dans les affaires de l’économie de chaque pays et dans le cadre d’une entité communautaire sous-régionale ou continentale fait jouer un rôle, fondamentalement, précieux aux commissionnaires en douane. En effet, l’exercice de cette profession nécessite la confiance, la rigueur, le pragmatisme et un esprit de collaboration sans aucune faille avec les opérateurs économiques, l’administration, les compagnies maritimes, les sociétés de manutention ou de concessionnaires de terminaux et enfin, les transporteurs routiers chargés d’effectuer tant les livraisons que les approches :

  • l’opérateur économique, est le seul donneur d’ordre. Il le matérialise par l’Ordre de Transit (O.T). Ce document permet au commissionnaire en douane d’agir d’ordre, et pour le compte, du client qui est son mandant. En tant que mandataire, il effectue les démarches administratives vis-à-vis de la douane, des compagnies maritimes et des manutentionnaires qui sont des gestionnaires de terminaux ou de magasins où se trouvent entreposées les marchandises débarquées. Il s’investit pour les lui livrer à l’endroit convenu.

A l’exportation, il remplit toutes les formalités pour l’approche des marchandises jusqu’aux lieux désignés pour leur embarquement. Il remplit le rôle de conseiller de l’opérateur économique. Pour cette tâche, il doit : – maîtriser les incoterms (international commerce terms ou, en français, les conditions du commerce international, incluant vente, achat, transport et responsabilité), – connaître les restrictions ou prohibitions imposées à l’importation ou à l’exportation, – anticiper sur les documents exigés par l’administration et les consignataires pour éviter les retards, les pénalités ou les contentieux. – Être bien au fait des tarifs de transport terrestre pour les livraisons ou approches des marchandises. – Avoir une connaissance sur les tarifs de manutention ou acconage, sur les redevances portuaires pour évaluer les coûts de passage au port afin de bien aviser l’opérateur économique qui lui attribue mandat d’agir d’ordre et pour son compte.

  • l’autorité douanière, par le biais des chefs de bureaux, des subdivisions ainsi que des brigades, entre en contact avec le commissionnaire en douane au moment de la déclaration en détail. Il est à noter que celle-ci intervient après que le consignataire, autrement appelé agent maritime, représentant le commandant du navire, sous les ordres de l’armateur, ait déposé le manifeste de cargaison (dont le terme anglais est « cargo manifest ») en guise de déclaration sommaire. Une fois que le consignataire a saisi et validé le manifeste dans le système GAINDE (Gestion Automatique des Informations Douanières et des Echanges), le commissionnaire en douane entame la déclaration en détail des articles concernant les marchandises reprises dans le(s) connaissement(s) de son client. Cette opération de dédouanement est régie par le Chapitre premier du code des douanes :
  • Section I se rapportant au caractère obligatoire de la déclaration en détail : Article 110 : Alinéa : Toutes les marchandises importées ou exportées doivent faire l’objet d’une déclaration en détail leur assignant un régime douanier. Alinéa 2 : L’exemption des droits et taxes, soit à l’entrée, soit à la sortie, ne dispense pas de l’obligation prévue à l’alinéa précédent.
  • Section II relative à la forme, énonciation, recevabilité et enregistrement des déclarations en détail : Articles 113, 114, 115 116, 117, 118 et 119 avec les dispositions de procédures simplifiées énoncées dans la Section III, Articles 120 et 121 du présent Code des Douanes de la Loi 2014-10 du 28 février 2014.

Nous noterons l’importance du commissionnaire en douane mise en exergue par l’Article 113 : – Alinéa 3 : Les déclarations en détail doivent contenir toutes les indications nécessaires pour l’application des mesures douanières et pour l’établissement des statistiques du commerce extérieur. – Alinéa 4 : Elles (les déclarations en détail) doivent être signées par le déclarant. Cette signature peut être électronique ou manuelle. Le but recherché par la déclaration en détail est l’affectation d’un régime suivie de la liquidation des droits et taxes, s’il y a lieu, après un contrôle rigoureux des services douaniers qui ont la prérogative d’accepter ou non.

  • Chapitre II : Vérification des déclarations et des marchandises
  • Section I : Conditions dans lesquelles a lieu la vérification des déclarations et des marchandises : Article 129 : Alinéa 1 : Après enregistrement de la déclaration en détail, le service des douanes procède au contrôle documentaire et, s’il le juge utile, à la vérification de tout ou partie des marchandises. Alinéa 3 : En cas de contestation, le déclarant a le droit de récuser les résultats de la vérification partielle et de demander celle intégrale des marchandises sur lesquelles porte la contestation.

L’expertise du commissionnaire en douane est soulignée par les articles ci-dessous : Article 131 : Alinéa I : La vérification des marchandises a lieu en présence du déclarant ou de son représentant. Article 132 :

  1. Lorsque le service des douanes conteste certaines énonciations de la déclaration, il en donne avis au déclarant, ou à son représentant, qui doit, dans le cinq (5) jours, faire connaître s’il accepte ou non l’appréciation du service.
  2. L’absence de réponse à l’expiration du délai visé à l’alinéa I ci-dessus, est réputée acceptation de l’appréciation du service. Toutefois, sur demande écrite du déclarant, le service des douanes est tenu d’accorder une prorogation de ce délai sans que le cumul ne puisse dépasser dix (10) jours.
  3. Dans le cas où le déclarant ou son représentant accepte l’appréciation des agents des douanes, il doit signer le document où sont consignés les résultats de la vérification. Cette maitrise du Code des Douanes, du Système Harmonisé et l’acquisition d’un bon niveau d’information, au jour le jour, par les notes de service et autres décisions permettent une belle confrontation d’arguments entre le déclarant et les services douaniers.

Le premier dans le sens de la défense de la pertinence de ses choix tarifaires ainsi que la sauvegarde des intérêts de son client, à savoir, l’opérateur économique, et en face, les seconds, agissent dans le cadre de leur mission de protection de l’économie du pays. Ces contestations sont prises en compte par les dispositions de la Section II (Règlement des contestations portant sur la valeur, l’espèce ou l’origine des marchandises) du Chapitre II dévolu au contrôle de la déclaration en détail et des produits. Cette éventualité de désaccord est prévue dans l’Article 133 en ces termes :

  1. Dans les cas où le service des douanes conteste, au moment de la vérification, les énonciations de la déclaration relatives à la valeur, à l’espèce ou à l’origine des marchandises, la contestation peut être réglée conformément aux dispositions du Titre XIII (Voies de recours et règlement des litiges douaniers) du présent code, lorsque le déclarant n’accepte pas l’appréciation du service.
  2. Dans tous les cas, le déclarant dispose toujours du droit de recours visé à l’article 414 du présent code.

Il est important de noter que cet article 414 reconnaît le droit à toutes « les personnes à l’encontre desquelles un procès-verbal a été dressé sur la base de l’article 312 (de la Loi 2014-10 du 28 février 2014 portant Code des Douanes du Sénégal) d’exercer le recours visé à l’article précédent. Avant celui-ci, l‘article 413 alinéa I dispose « Toute personne a le droit d’exercer un recours contre les décisions relatives à l’application de la législation douanière prises par les autorités et qui la concernent directement ou personnellement ».

Ce type d’initiative ne saurait émaner que d’un connaisseur des textes, des conséquences, des enjeux, ayant l’aptitude d’argumenter pour convaincre l’autorité douanière. Le Transit, communément utilisé dans notre langage quotidien pour définir la profession du commissionnaire en douane agréé requiert plusieurs aptitudes, des qualités et des connaissances.

Il est fondamental pour celui qui souhaite l’exercer quotidiennement de s’imprégner, non seulement, du code des douanes mais de s’intéresser aux règles maritimes liées au connaissement, à la propriété conférée par les documents originaux, aux facilités, aux traitements garantissant des célérités, des anticipations.

La formulation de réserves appropriées avec leurs conséquences, le professionnalisme pour éviter des coûts provenant de dommages du fait d’autrui, de pénalités comme les surestaries, les frais de magasinage et les détentions. Nous sommes en face d’une véritable profession, un métier, un savoir-faire en relation étroite avec le commerce international.

Se former et s’informer pour être performant, efficient même si la responsabilité du commissionnaire en douane consiste à déclarer conformément à la règlementation douanière.En effet, le commissionnaire en douane n’agit que d’ordre et pour compte d’autrui, son mandant.

Il devra toujours garder à l’esprit que dans l’exercice de ses fonctions, ses erreurs entraîneront inéluctablement un contentieux pouvant causer du tort à sa caution solidaire si celui-ci venait à déboucher sur une transaction coûteuse au risque d’être appauvrissante sinon source de faillite.

Le commissionnaire en douane demeure un maillon essentiel de la Supply Chain ou chaîne logistique. Une profession intéressante à exercer à titre individuel ou en tant que salarié dans une société. Le besoin pour cette profession de commissionnaire en douane est bien réel et la demande pour son expertise existera, aussi longtemps que durera la pratique du commerce international.

Amadou DIA Consultant en Opérations Portuaires, Transports et Logistique

 

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