Les agitations sur le marché des carburants marins expliquées en quelques données
Par Ibrahima DIALLO
11 mai 2023 / 08:15

Les prix des carburants marins ont chuté, revenus aux niveaux de la fin de 2021, tandis que ceux du GNL explosent. Si les surcharges carburantes vont baisser, le passage aux carburants verts ne sera pas indolore. Soixante-trois navires ont été commandés avec des carburants alternatifs depuis le début de l’année.

Le prix moyen du VLSFO divisé par deux

Selon Ship & Bunker, le prix moyen du fuel à faible teneur en soufre (VLSFO) dans les 20 principaux centres mondiaux de soutage monde est tombé récemment à 593,50 $ par tonne, soit la moitié du sommet atteint en juin 2022, à la suite de l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Les prix du fuel désulfuré sont désormais équivalents à ceux de décembre 2021. Pour information, les navires de Maersk, qui vient de publier ses résultats trimestriels, ont navigué au prix moyen de 625 $/t au cours des trois premiers mois de l’année (contre le record historique de 1 125,50 $ la tonne atteint le 14 juin).

Le HFO en baisse de 35 %

Dans le même temps, le prix moyen du HFO, fuel à haute teneur en soufre (3,5 % de soufre maximum), toujours autorisé par la réglementation IMO 2020 à condition que les moteurs soient équipés de dispositifs d’épuration des gaz d’échappement (scrubbers), s’établissait pour leur part à 496,50 $, en baisse de 35 % par rapport au pic de mai 2022 et équivalent à celui de septembre 2021.

L’écart entre les deux carburants (appelé Hi5), actuellement inférieur à 100 $ par tonne (97 $), a chuté de 60 % ces trois derniers mois. Il a pu être au cours de ces deux dernières années supérieures à 300 €.

Cette situation a plusieurs conséquences. Plus l’écart est faible, moins l’investissement dans les scrubbers est rentable. Plus il est élevé, plus il impacte positivement le revenu spot net (en raison des économies de carburant réalisées), a fortiori dans le vrac sec où le tarif au comptant équivalent à un jour est calculé net du coût du carburant (l’opérateur du navire paie le carburant lors d’un voyage spot).

Des économies d’exploitation de plusieurs milliers de dollars

Selon des calculs de Clarksons Securities, un très gros transporteur de brut (VLCC), non éco-conçu, équipé d’un scrubber économise actuellement 6 000 $ par jour par rapport à un VLCC non équipé. Mais en juillet 2022, le gain était de 24 000 $/j.

Un capesize (d’une capacité d’environ 180 000 tpl) équipé faisait gagner à celui qui l’exploite 4 200 $/j de plus par rapport à un capesize non appareillé.

Là encore, la majoration était bien supérieure en juillet dernier, de l’ordre de 18 000 $/j. Le baril de Brent se situe actuellement à 75 $. Mais il reste très versatile. Le Brent a chuté pendant la première moitié du mois de mars, a augmenté pendant la deuxième moitié, a continué à augmenter après l’annonce des réductions de l’OPEP au début du mois d’avril, a atteint un sommet à la mi-avril, puis s’est retourné à la baisse.

Le prix des BAF va baisser

La baisse du carburant pour les navires est une bonne nouvelle à la fois en termes de dépenses d’exploitation mais aussi pour les chargeurs dans la mesure où elle doit se traduire par une baisse du facteur d’ajustement de soutage (BAF), facturés aux clients contractuels.

Selon Distribution Publications Inc. (DPI), qui publie les taux de BAF des principaux transporteurs, les surcharges moyennes sur la route transpacifique, de l’Asie vers la côte ouest-américaine (hors reefer) pour le deuxième trimestre, seront en moyenne de 599 $ par unité équivalent quarante pieds (FEU en anglais/EQP) pour cinq transporteurs, CMA CGM, Cosco, Evergreen, OOCL et Zim. Soit une baisse de 13 % par rapport au premier trimestre et de 32 % par rapport aux 880 $/FEU facturés au troisième trimestre 2022.

Vers la côte est-américaines, les BAF de ces cinq transporteurs devrait s’élever en moyenne à 1 145 $/EQP, en baisse de 7 % par rapport au premier trimestre et de 29 % par rapport au record de 1 611 $/EQP au troisième trimestre 2022, selon les données de DPI.

Le prix du GNL a triplé

Depuis octobre 2019, les prix du GNL ont, eux, plus que triplé par rapport à ceux du HFO à Rotterdam, selon les données de Ship & Bunker. Il y a tout lieu de penser que les navires conçus pour brûler du GNL doivent actuellement carburer au VLSFO ou HFO.

Le passage aux carburants verts ne sera pas indolore

Drewry a estimé qu’un passage au méthanol vert augmenterait les coûts du carburant d’environ 350 %. « Le méthanol vert coûte encore beaucoup plus cher que les hydrocarbures et de nombreux clients ne sont pas prêts à payer pour cela.

Il est donc essentiel que les gouvernements offrent les bonnes incitations et soutiennent le développement des carburants verts afin qu’ils deviennent compétitifs », a prévenu le président du groupe Maersk, Robert Maersk Uggla, lors de l’assemblée générale annuelle du conseil d’administration. Le groupe danois est un pionnier du méthanol avec 19 navires actuellement en commande. Il a contracté avec neuf producteurs pour sécuriser son approvisionnment.

Des tensions à ce niveau sont inéluctables. CMA CGM, Cosco et Evergreen se sont à leur tour entichés du nouveau carburant dont le profil sied aux futures normes réglementaires . « Ce qu’il est très important de comprendre, c’est que ce changement ne se produira pas uniquement grâce à des initiatives privées », a-t-il insisté. En clair, les armateurs ne veulent pas être les seuls à régler la facture.

Soixante-trois navires commandés avec des carburants alternatifs depuis le début de l’année

La société de classification DNV a ajouté 10 navires alimentés au GNL et 9 au méthanol à sa plateforme Alternative Fuels Insight le mois dernier, qui tient la comptabilité des commandes alternatives. Il y a actuellement 63 navires au carnet de commandes mondial vert.

Selon les données de DNV (qui exclue les doubles carburations), 388 navires au GNL sont déjà en service et 516 navires en cours de construction. En termes de navires en service, les pétroliers sont les premiers clients avec 56 unités devant les porte-conteneurs (47), les transporteurs de produits pétroliers (45) et les car-carriers (44).

Pour ce qui est des commandes, les armateurs de porte-conteneurs sont actuellement les plus demandeurs avec 187 unités devant les exploitants de car-carriers (121) tandis que les opérateurs des pétroliers et vraquiers sont quasiment au même niveau (41 et 40 unités). Il faut ajouter les 43 souteurs en service et 21 en commande.

Au total, dans le carnet de commandes mondial (ferme), selon DNV, il y a 904 navires au GNL 180 au GPL, 115 au méthanol et 27 à l’hydrogène.

La demande de pétrole sera divisée par deux d’ici 2050

Parallèlement, la société de classification norvégienne soutient que la demande de pétrole sera divisée par deux d’ici 2050. Bien que le transport fasse partie des secteurs les plus difficiles à électrifier, il sera de plus en plus concurrencée par cette énergie que tous les secteurs vont sursolliciter. Selon son rapport Transport in Transition, la part électrique dans le transport devrait passer de 1 à 23 % d’ici 2050,

Aujourd’hui, le transport de passagers et de marchandises représente environ un quart des émissions mondiales de CO2 liées à l’énergie, une part qui passera à 30 % d’ici 2050.

Selon DNV, à cette échéance, le transport routier sera le premier à réduire sa dépendance aux combustibles fossiles, passant de 38 millions de barils par jour (Mb/j) aujourd’hui à 19 Mb/j en 2050, réduisant ainsi sa part de 91 à 57 %. À l’inverse, la consommation de pétrole dans le secteur de l’aviation persistera jusqu’en 2050, la part des hydrocarbures dans ce secteur estimée à 60 %.

C’est sans doute dans le secteur maritime que le mix énergétique sera le plus répandu. Les navires vont passer d’une utilisation presque exclusive du pétrole à une association à 50 % de combustibles à faible teneur en carbone ou sans carbone, 19 % de gaz naturel et 18 % de biomasse. L’électricité n’obtiendrait qu’une part de 4 %, provenant du transport maritime à courte distance et de la connexion électrique à quai.

Adeline Descamps

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