« Combattre le trafic de drogue, y compris dans les ports, c’est comme combattre une hydre »
Par Ibrahima DIALLO
26 janvier 2024 / 10:56

Une alliance publique/privée pour lutter contre le trafic de drogue, plus particulièrement de cocaïne, dans les ports européens a été lancée par la Commission européenne et la Belgique qui préside l’Union européenne au premier semestre 2024. Les explications de la directrice exécutive d’Europol éclairent les enjeux et les défis à relever.

En octobre 2023, la Commission européenne a adopté une feuille de route « visant à amplifier la lutte contre le trafic de drogue et les réseaux criminels ». La mesure en tête de liste de ce plan d’actions porte sur « la création d’une nouvelle alliance des ports européens, qui vise à accroître la résilience des ports face à l’infiltration par des réseaux criminels en intensifiant le travail des autorités douanières, des services répressifs ainsi que des acteurs publics et privés dans tous les ports de l’UE, par exemple, au moyen de scanners et d’équipements de pointe ».

Le lancement officiel le 24 janvier 2024 à Anvers par la Belgique, qui préside l’Union européenne ce premier semestre 2024, avec la Commission européenne, d’une alliance publique/privée pour organiser la lutte contre le trafic de drogue entrant par les ports européens est la traduction de cette mesure. Cette alliance mobilise de manière assez inédite des acteurs publics et privés pour favoriser notamment les échangesd’informations et le partage de bonnes pratiques.

Coopération tous azimuts. L’objectif de l’alliance qui vise donc à établir une coopération entre le plus grand nombre de parties prenantes possible est de « renforcer la résilience des plates-formes logistiques face aux menaces posées par les trafiquants ». Une vingtaine d’autorités portuaires font partie des partenaires déclarés mais aussi des compagnies maritimes et des opérateurs de terminaux avec leurs représentants à Bruxelles ainsi que les services de police, les douanes, les autorités locales et nationales, et des agences de l’Union européenne comme Europol.

Parmi les actions citées : mobilisation des douanes pour une évaluation des risques et la réalisation de contrôles ciblés, coordination des enquêtes de police, collaboration entre les polices et les acteurs portuaires… La mise en place d’un meilleur échange d’informations et le partage de bonnes pratiques ont été souvent répétés comme l’une des priorités au sein de l’alliance pour améliorer la sécurité dans les ports, aider à démanteler les réseaux criminels.

Anvers en première ligne. En 2023, un total de 116 tonnes, en hausse de +5% par rapport à 2022, a été intercepté dans le port d’Anvers-Bruges, un nouveau record qui fait de cette infrastructure la première porte d’entrée de la drogue (plus particulièrement de la cocaïne) dans l’Union européenne. A Rotterdam, le niveau saisi l’an passé atteint 59,1 tonnes.

En 2021, ce sont plus de 300 tonnes de drogues qui avaient saisies dans l’Union européenne. Au sein de l’UE, près de 70 % des saisies de drogues réalisées par les douanes le sont dans les ports.

Il se trouve qu’en termes de volumes, Rotterdam est le premier port européen et Anvers le deuxième, ce qui multiplie les possibilités de passer illégalement de la drogue dans les nombreux conteneurs arrivant par les navires dans ces deux hubs logistiques majeurs pour l’approvisionnement de l’Union européenne (UE).

Mais tous les ports européens sont concernés. Toutefois, le trafic de drogue concerne tous les ports de l’UE sans distinction de pays, de frontières, ou de taille, a relevé Ylva Johansson, commissaire aux Affaires européennes, citant Hambourg, Barcelone, Algésiras, Klaipeda, Marseille, Dunkerque, Le Havre, North Sea Port, Helsingborg… Pour elle, « nous avons besoin d’un réseau pour combattre un réseau ».

La lutte doit s’organiser de manière globale car le renforcement de mesures dans tel port peut entraîner un déplacement des trafics vers un autre, selon Annelies Verlinden, ministre belge de l’Intérieur : « Les trafiquants sont très flexibles, en cas de difficulté, ils vont très vite ailleurs. Il faut éviter cela. Nous avons donc besoin pour être efficace de coopérer et d’harmoniser la lutte ».

Pour elle, la collaboration des acteurs économiques privés est nécessaire car « les contrôles peuvent avoir une incidence sur l’activité commerciale légale, il faut trouver le bon équilibre ». Il en va également de la préservation du fameux level playing field.

Cette ministre a indiqué comme mesure plus concrètes des équipements en scanner pour passer au crible les conteneurs, plus particulièrement ceux en provenance de pays « à risque » (notamment d’Amérique Latine). Elle a cité l’exemple d’Anvers qui dispose d’un scanner mobile et indiqué que cinq de plus doivent être livrés en 2024 ; une centaine de douaniers supplémentaires est aussi annoncée. A noter que selon les douanes belges, seuls 1 à 2% des conteneurs sont contrôlés par scanner. L’installation de caméras a été évoquée.

Le défi de la corruption des personnels. Les deux responsables ont relevé que dans les ports, les gangs criminels savent trouver les moyens pour infiltrer les lieux, convaincre certains membres des personnels d’être complices des trafics. L’alliance doit notamment favoriser la mise en place de solutions pour contrecarrer la corruption et l’infiltration des ports et de leur personnel par les réseaux criminels.

Mais ce sont aussi les membres des forces de l’ordre, des douanes, de la justice ou encore des avocats qui peut être corrompus, selon elles. C’est ce qu’a montré en 2021 le résultat d’une enquête (opération SkyECC) menée par la Belgique, avec la collaboration de la France et des Pays-Bas.

NPI Clotilde Martin

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