Fret ferroviaire dans l’UE : la digitalisation au service de l’harmonisation
Par Ibrahima DIALLO
30 août 2024 / 08:42

Les instances dirigeantes de l’Union européenne veulent harmoniser les infrastructures ferroviaires pour le rendre plus compétitif face au transport routier et participer aux objectifs de décarbonation qu’elles se sont fixées. Dans cette tribune, Christopher Keating, VP de Trimble Transportation Europe, expose la façon dont la transformation numérique peut aider ce processus.

Et si le fret ferroviaire européen prenait enfin le train de l’harmonisation ? En début d’année, le Parlement européen a voté en faveur d’une législation visant à améliorer la gestion du fret ferroviaire dans l’Union Européenne.

Motivé en partie par la volonté de promouvoir le rail en tant que forme durable de transport de marchandises, le règlement Single European Railway Area : Use of Railway Infrastructure Capacity propose de résoudre les problèmes d’efficacité et de fiabilité en repensant l’utilisation des capacités ferroviaires.

Cette règlementation est évidemment nécessaire. Elle permet une plus grande transparence et une meilleure collaboration dans le secteur ferroviaire. Mais est-ce réellement suffisant ? On est en droit d’en douter.

Le manque d’harmonisation persiste et continue de peser sur les coûts des transporteurs. La digitalisation est une fois encore, un fer de lance existant mais sous-exploité, qu’il conviendrait de continuer à promouvoir.

Une gestion fragmentée dispendieuse et contraire à la décarbonisation

Jusqu’à présent, le manque d’orientation utilisateurs et une certaine fragmentation ont entravé les initiatives permettant d’améliorer le réseau de fret ferroviaire de l’UE.

Sa gestion est faite d’un équilibre délicat entre des réglementations européennes conçues pour créer un marché unifié, et une gestion des infrastructures et des opérations au niveau national. Chaque État-membre influence considérablement les réseaux ferroviaires par ses décisions d’investissement, ses plans stratégiques, et ses priorités en matière de développement des infrastructures et des réseaux.

L’UE ne dispose pas encore d’une approche globale et homogène en matière de normes techniques, de planification des horaires et de gestion des perturbations, car ce sont les gouvernements nationaux qui ont le dernier mot sur leur industrie ferroviaire.

Ce manque de centralisation entrave le transport transfrontalier de marchandises – à tel point que 80 % des voies planifiées changent entre leur publication et leur exécution, entraînant une augmentation significative des coûts pour les expéditeurs et transporteurs (jusqu’à 25 % de plus selon l’UIRR).

Les pays se concentrent sur leur territoire, les systèmes locaux sont fragmentés et le partage des données est insuffisant, ce qui signifie que le pourcentage de fret européen transporté par rail a de nouveau baissé entre 2021 et 2022. Cette tendance compromet les objectifs de décarbonisation du fret de l’UE, qui dépendent d’une plus grande utilisation du rail.

Exploiter le plein potentiel des solutions technologiques collaboratives

Les récents amendements législatifs de l’UE ciblent certains des problèmes susmentionnés. Ils ouvrent notamment la voie à une “plateforme ferroviaire européenne”, qui servira de passerelle entre les gestionnaires d’infrastructures et les acteurs du secteur ferroviaire au sens large. Son lancement est actuellement prévu pour 2029.

Selon les députés, l’objectif de la plateforme est de créer des solutions collaboratives qui renforcent l’efficacité du réseau ferroviaire, optimisent la prise de décision et augmentent la satisfaction des utilisateurs.

Pour atteindre ces objectifs, elle aura besoin d’une autorité décisionnelle et juridique pour mettre en œuvre ses initiatives, et devra réunir davantage d’acteurs des secteurs public et privé.

Les récents changements législatifs ne sont qu’un point de départ, et devraient servir de tremplin pour d’autres réformes. La digitalisation est le véritable accélérateur ici, et l’UE devrait investir davantage pour pallier l’écart important entre la gestion du fret ferroviaire et les expéditeurs.

Trop souvent, les solutions techniques perdent de vue les utilisateurs – en l’occurrence les chargeurs – qui possèdent les marchandises transportées. Le système a besoin de solutions appropriées à leurs besoins, et qui mettent l’accent sur la collaboration, le partage des données et la visibilité entre les acteurs de la chaîne d’approvisionnement.

Qu’à cela ne tienne, ces solutions existent déjà ! Le défi consiste donc à changer l’orientation des parties prenantes et davantage les impliquer. Le Parlement Européen a semble-t-il déjà emprunter cette voie en poursuivant, par ailleurs, ses efforts en matière de transparence. Bien que tout cela soit encourageant, il lui reste fort à faire !

Christopher Keating

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