Avec une superficie de plus de 30 millions de km² pour une population avoisinant le milliard trois cents, l’Afrique est potentiellement une puissance car recelant, en plus de ces deux atouts, la majeure partie des richesses minières ainsi que 600 millions d’hectares de terres non cultivées, soit 60% des terres. Or, les populations africaines peinent à profiter de ces incroyables ressources qui sont exportées sans transformation, faute d’une industrie assez diversifiée ; ce qui fait de l’Afrique un exportateur net…d’emplois ! Assez paradoxal pour être souligné, pour des Etats confrontés à un chômage endémique. Ne parvenant même pas à échanger correctement entre elles avec des économies très extraverties, du fait aussi d’une Supply Chain défaillante pour plusieurs raisons.

En effet, malgré des success stories indéniables, ainsi que la volonté de modernisation du secteur, prise en charge au niveau même de l’UA, avec l’Agenda 2063, la Supply Chain en Afrique demeure toujours confrontée à des soucis majeurs de compétitivité et manque de sophistication pour soutenir la croissance africaine.

La diversité des paysages africains (8 régions physiques primaires : Sahara, le Sahel, les hauts plateaux abyssins, la Savane, la forêt tropicale, etc.) nous amène au premier défi de la Supply Chain en Afrique, à savoir le manque d’infrastructures car, il n’est pas aisé de les traverser.

Pourtant, ce ne sont ni les investisseurs, ni les projets qui manquent, encore moins les capitaux. Mais, c’est surtout le manque de vision et de volonté politique qui font défaut, puisque 80% des projets d’infrastructure échouent au stade de la faisabilité et du business plan, selon une étude du cabinet Mc Kinsley.

Celle-ci relève par ailleurs que les 2/3 de la population mondiale qui n’a pas accès a l’électricité vit en Afrique subsaharienne. Cependant, l’espoir est permis avec les composants d’infrastructures de l’Agenda 2063 (eau, rail, route, air).

Le second défi est la prédominance de l’économie informelle. En effet, le secteur informel de l’Afrique est le plus important au monde avec 90% de l’économie pour l’Afrique subsaharienne et environ les 2/3 pour l’Afrique du Nord. Par conséquent, une part importante de la chaine d’approvisionnement fonctionne par des canaux non officiels et sans surveillance, règlementation ou fiscalité gouvernementale.

Le troisième défi est le corollaire de cette économie informelle non règlementée.

En effet, cette situation favorise la copie illégale et la contrefaçon, qui profitent de l’insuffisance de la protection des chaines d’approvisionnent. Cet état de fait est parfaitement illustré par la prolifération des faux médicaments, avec des règlementations faibles et une application laxiste.

Bien d’autres défis, tels que le manque de connexion des hinterlands avec des corridors unimodaux et la lenteur dans la modernisation de nos ports, plombent toujours l’essor de la chaine d’approvisionnement en Afrique. Toutefois, des opportunités s’offrent à elle.

D’abord, le développement de la fabrication, avec des initiatives visant à produire des vaccins en Afrique, l’interdiction par certains pays d’exporter certains produits primaires sans transformation locale (Gabon avec le bois).

Or, un secteur manufacturier sain est gage d’une chaine d’approvisionnement offrant des possibilités de modernisation et de la mise en place de l’infrastructure nécessaire pour sécuriser les produits depuis leur lieu de production jusqu’au consommateur final.

Ensuite, la jeunesse et l’abondance de la main d’œuvre africaine, avec un âge médian de 20 ans environ, pourrait préparer l’Afrique a un boom de l’emploi et du secteur manufacturier dans les années à venir, à condition de bien la former et avec des politiques publiques bien définies, dénuées de toute considération politicienne.

Enfin, une économie centrée sur le consommateur qui sera favorisée par la mise en place de la ZLECAF, donnant ainsi un accès plus large et plus facile aux biens et services aussi bien produits localement qu’importés. L’impact sur la chaine d’approvisionnement en Afrique (pour la fabrication, la logistique, la distribution, l’entreposage et le dernier kilomètre) sera considérable en raison de la propension des consommateurs à dépenser car de façon dialectique, l’économie africaine n’en sera que plus vigoureuse.

Pour conclure, on assiste de plus en plus à la reconfiguration imposée par les armateurs, qui, suite aux énormes profits réalisés durant la Covid, ont commencé à investir le terrain du Freight Forwarding avec les rachats de CEVA-Logistics par CMA-CGM et celui de Bolloré Transport-Logistics par MSC, sans oublier le danois MAERSK, qui a investi le terrain aérien en inaugurant un premier vol cargo sous ses propres couleurs, emboîtant ainsi le pas à CMA-CGM.

L’Afrique pourra – t – elle en profiter ? Qu’en sera – t – il pour les Freight Forwarders/Forwarding locales ?

En tout état de cause, n’oublions pas que l’Afrique compte 54 Etats avec des situations très diverses et dont il faut tenir compte dans les politiques d’intégration en évitant les postures réductrices et caricaturales.

Ndiawar DIACK
Supply Chain Manager