Reconfiguration des alliances maritimes : quelles conséquences pour les ports français ?
Par Ibrahima DIALLO
4 octobre 2024 / 09:02

Une analyse réalisée et rédigée par TLF Overseas, l’organisation professionnelle des commissionnaires de transport et des représentants en douane.

À compter de février 2025, les alliances maritimes subiront une réorganisation, en grande partie due à l’annonce de la coopération Gemini, un partenariat stratégique entre Maersk et Hapag-Lloyd, respectivement classés deuxième et quatrième sur le marché mondial du transport maritime conteneurisé.

Si Premier Alliance (ONE, HMM, Yang Ming) et MSC continueront de desservir en direct les ports français, ce n’est pas le cas de Gemini qui proposera uniquement des services shuttle à destination et au départ du Havre et de Marseille-Fos, alimentant des ports principaux ou hubs situés sur le Range Nord ou la Méditerranée.

Ces choix affaiblissent l’attractivité des ports français. La connectivité maritime constitue en effet un levier commercial essentiel, offrant des liaisons rapides et sécurisées. En supprimant ces liaisons, on augmente le risque de défaillances dans la correspondance entre les navires feeder ou shuttles et les navires-mères (mother vessel), tout en allongeant les temps de transit (durée d’un voyage maritime).

 Les ports français, perdants dans l’organisation des services de la coopération Gemini

En Europe du Nord, la coopération Gemini profite principalement aux ports britanniques et allemands. Les quatre services Asie-Europe du Nord desserviront les ports de Felixstowe, Rotterdam, Bremerhaven, Wilhelmshaven, ainsi que Tanger et Algésiras.

Des services de navette/shuttle assureront les connexions avec Anvers, Le Havre, Gdansk, Göteborg et Aarhus. Ainsi, deux services shuttle relieront le Havre à Tanger, Algesiras, Anvers et Rotterdam toutes les semaines.

En Méditerranée, les ports de Barcelone, Tanger Med et Algésiras bénéficieront d’une connectivité accrue, tandis que celle du port de Fos sera réduite.

Désormais, Fos ne sera plus desservi que par un service hebdomadaire de navette (E7), reliant le port aux navires-mères à Barcelone, Tanger Med et Algésiras. De plus, Marseille-Fos sera exclu des lignes principales reliant la Méditerranée à l’Amérique du Nord.

 Une situation stable pour Premier Alliance et MSC

Contrairement à Gemini, Premier Alliance et MSC maintiennent leurs services directs vers la France. En ce qui concerne l’Asie-Nord Europe, 4 escales (FP1, FE4, FE5 et FE6) sont prévues au Havre sur les six services proposés. Ainsi, la configuration prochaine double le nombre d’escales au Havre pour MSC.

Cela générera des volumes croissants en transbordement, qui devront être distingués des flux traditionnels. Le transbordement concerne en effet des flux qui n’alimentent pas l’hinterland, puisqu’il s’agit d’un transfert de marchandises entre deux navires maritimes.

Sur les quatre lignes Asie – Méditerranée de Premier Alliance, deux services (MS2/Lynx et MD4/Dragon) toucheront Fos chaque semaine. Les capacités déployées sur ce port resteront globalement les mêmes, avec des navires transportant entre 12 000 et 15 000 EVP.

Vers une perte de compétitivité ?

Malgré l’augmentation des escales pour MSC au Havre et à Marseille-Fos, la stratégie de Gemini, axée sur le modèle hub and spoke, affaiblit la connectivité directe des ports français.

Cela constitue une menace pour leur compétitivité. Les chargeurs, particulièrement attentifs l’offre d’escales, considèrent déjà cet aspect comme un enjeu majeur pour les ports français, comme le montre le baromètre AUTF 2024.

La connectivité est mesurée par le Liner Shipping Connectivity Index (LSCI) produit par l’UNCTAD, qui prend notamment en compte :

  • Le nombre de connexions directes, pour lesquelles un transbordement n’est pas nécessaire, ce qui en fait la connexion la plus rapide et la moins risquée ;
  • Le nombre d’escales hebdomadaires : plus il y a de départs navires d’un port, moins le temps d’attente est important pour le chargeur ;
  • Le nombre de compagnies de lignes régulières fournissant des services : plus les chargeurs ont le choix, moins ils sont confrontés aux impacts négatifs des marchés oligopolistiques et monopolistiques (ex : prix élevés et qualité de service dégradée).

La France se distingue déjà par un indice de connectivité plus faible (264 points début 2024) que ses principaux concurrents, tels que l’Allemagne (305 points), l’Espagne (403 points), l’Italie (282) ou la Belgique (338). *

Dans ce contexte de reconfiguration des alliances, les ports français devront redoubler d’efforts pour optimiser leur performance et rester compétitifs sur la scène internationale.

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