Avec Bolloré Logistics, CMA CGM réaliserait la plus importante transaction depuis sa création
Par Ibrahima DIALLO
9 mai 2023 / 08:04

Nouvelle étape dans la procédure d’acquisition par CMA CGM des activités de commission de transport du groupe Bolloré, dernier pré-carré qui le rattache encore à son patrimoine historique dans la logistique. Le groupe a accepté l’offre de CMA CGM pour une valeur de 4,65 Md€.  

Aligné sur les horaires de la bourse, le groupe familial Bolloré, coté sur Euronext (21,51 %), a annoncé dans un communiqué ce 8 mai, un peu avant 18 h, avoir reçu et accepté l’offre d’achat de CMA CGM pour son entité Bolloré Logistics sur la base d’une valeur d’entreprise d’un peu moins de 5 Md$ (4,65 Md€ avant calcul de la dette et de la trésorerie à la date de réalisation).

Les deux titans français, entrés en négociations le 18 avril dernier, ont franchi une étape supplémentaire dans la procédure visant pour Bolloré à céder ce dernier précarré qui le rattache encore à son patrimoine historique dans le transport et la logistique. Un pôle qui totalisait, à la fin de l’année 2022, 27 % de ses effectifs, 34 % de son chiffre d’affaires (20,67 Md€ en 2022) et 578 M€ en termes de résultat opérationnel ajusté (Ebita), mesure étalon dans ce secteur, en croissance de 84 % à périmètre et change constants.

Caractère équitable du prix offert

Le conseil d’administration de Bolloré, qui s’était réuni le 18 avril dans la foulée de l’offre de l’armateur français de porte-conteneurs, avait déjà conclu « au caractère équitable du prix offert », émis à l’unanimité de ses membres un avis favorable et recommandé aux actionnaires de « saisir cette opportunité de liquidité partielle ».

Bolloré avait par ailleurs annoncé en mars son intention de racheter 9,78 % de son capital dans le cadre d’une offre publique d’achat simplifiée (OPAS), après avoir enregistré en 2022 une plus-value exceptionnelle liée à la cession de ses activités de transport et logistique en Afrique. Dans le cadre de l’OPA publique, qui porte sur un peu de 290 000 actions, le prix de l’action a été fixé à 5,75 € si bien qu’elle atteint les 6 € avec le complément de prix de 0,25 € lié à la vente de Bolloré Logistics à CMA CGM.

L’action Bolloré, qui avait réagi à la proposition de rachat du groupe de transport maritime en clôturant la journée du 18 avril en hausse de 5,27 % à 6,09 €, était cotée ce 8 mai à 6,07€ contre 6,055 à l’ouverture. Par comparaison, elle était valorisée à 5,22 € au 31 décembre 2022.

L’information et la consultation des instances représentatives du personnel vont pouvoir s’engager. La réalisation définitive de la transaction reste soumise à ces consultations et à l’obtention des autorisations réglementaires nécessaires.

Bolloré assis sur un trésor de guerre

L’année du bicentenaire de Bolloré avait été marquée par une autre opération d’envergure avec la cession le 21 décembre de Bolloré Africa Logistics, empire constitué au gré des acquisitions de la Scac (1986), de Delmas-Vieljeux (1991) et de la Saga (1997), au groupe MSC pour 5,6 Md€, que ce dernier a déjà renommé Africa Global Logistics.

L’année 2023 devrait donc être marquée par une autre transaction d’ampleur. Avec les deux opérations, le groupe encore familial, qui disposait à l’issue de l’année 2022 d’une trésorerie nette positive et d’une forte liquidité (37 Md€ de capitaux propres), a les poches pleines pour « continuer à investir sereinement », comme le souhaitait Cyrille Bolloré à la fin de l’année dernière.

En force dans l’entreposage à un moment opportun ?

L’activité de commission de transport que convoite CMA CGM fait partie des 15 premières entreprises du secteur avec 390 000 t traités en aérien l’an dernier et 710 000 EVP en maritime. Le groupe de transport maritime fait ainsi un pas de géant en mettant la main sur une toile mondiale maillée serrée autour de grands hubs intercontinentaux aérien et maritime pour assurer une gestion des flux de bout en bout. Cette approche qui intéresse précisément CMA CGM depuis la mise en œuvre en 2019 d’une stratégie logistique.

Le groupe marseillais s’offrirait ainsi un réseau de 358 agences dans 63 pays et près d’1 million de m2 d’entrepôts (s’ajoutant aux 10,3 millions de m2 déjà gérés par Ceva Logistics avec ses 750 entrepôts dans le monde), dans un contexte postpandémique où le « just in time », qui permet de commander à tout moment, a été remis en cause.

La pandémie a été un choc pour de nombreux responsables de la logistique dans le sens où elle a fragilisé l’idée selon laquelle le transport était un service infaillible. Pendant des décennies, l’organisation logistique a été basée sur un stock minimal et une fabrication en « juste à temps ». Or, une évolution vers un « juste au cas où », plus sécure, pourrait offrir de belles heures de l’entreposage.

Un pas dans le fret de projet pour CMA CGM

Connu pour ses clients dans la cosmétique et le luxe, qui exigent des solutions sous température dirigée, Bolloré possède aussi une activité dans le fret de projets industriels pour les secteurs de l’énergie, de l’industrie minière, du BTP et de l’aéronautique, ce que CMA CGM, via Ceva, couvre a priori moins. Il renforcerait ainsi son expertise logistique dans des secteurs différenciants et à forte valeur ajoutée.

En termes de risques de marché, les activités de la commission de transport restent notablement impactées par les taux de fret mais en tant qu’intermédiaire, il a la capacité de répercuter en grande partie les variations de prix… à ses clients.

Ceva, parmi les cinq premiers commissionnaires mondiaux ?

Dans le communiqué de CMA CGM, qui a filé à la patte de celui de Bolloré, une phrase résume l’affaire : « Cette acquisition, si celle-ci venait à se réaliser, placerait la filiale du groupe, Ceva Logistics, parmi les cinq premières entreprises mondiales du secteur du transport et de la logistique ».

Si les négociations aboutissaient, l’armateur français de porte-conteneurs consoliderait en effet puissamment le pôle logistique qu’il construit progressivement autour de l’ex-commissionnaire suisse Ceva Logistics (7e rang mondial par les volume maritimes et aériens transportés, 1,26 MEVP, 474 000 Mt, selon Armstrong&Associates), qu’il avait sauvé en 2018 de la convoitise du danois DSV et étoffé depuis par plusieurs acquisitions dans le secteur du retail (CLS Ingram), de la logistique des véhicules finis (Gefco) et de la livraison du dernier kilomètre (Colis Privé).

Un chiffre d’affaires de 24 Md$

La combinaison des activités logistiques du groupe représenterait un chiffre d’affaires global de près de 24 Md$ sur la base de leurs résultats en 2022. « C’est l’acquisition la plus importante depuis la création du groupe en 1978 », signale le troisième opérateur mondial dans la ligne régulière.

Le secteur doit s’attendre à un choc des titans à la fois au sein de la classe des 3PL où la consolidation n’est pas encore aboutie. Mais les observateurs/entomologistes du marché devraient surtout observer la façon dont les deux grands acteurs mondiaux CMA CGM et MSC vont gérer respectivement leur bout de Bolloré.

Adeline Descamps

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