À contre-courant des autres armateurs, où la tendance est à la suppression des départs, le transporteur français annonce le lancement d’un service saisonnier entre juillet et septembre. Il se traduira par une augmentation de 25 % de ses capacités entre l’Asie et l’Europe avec une escale supplémentaire toutes les deux semaines, en alternance, en France.

Chacun, à sa façon, manifeste sa confiance dans le marché tout en confirmant le retournement de conjoncture dans le transport maritime de conteneurs, que les résultats financiers du premier trimestre chez les armateurs avaient déjà suggéré, a fortiori pour CMA CGM.

Après Maersk, qui a revu ses perspectives financières à la hausse, son homologue français a annoncé le 11 juin qu’il renforçait de 25 % ses capacités entre l’Asie et l’Europe en juillet et en août en réponse à « la hausse soudaine de la demande ».

Introduit à partir du 30 juin et jusqu’en septembre, le service saisonnier dit « exceptionnel », baptisé French Peak Service, se traduira par sept départs supplémentaires opérés avec des navires d’une capacité de 7 000 EVP et une escale de plus toutes les deux semaines, en alternance, au Havre (Terminal de France à Port 2000 de GMP) et à Fos-sur-Mer (Eurofos).

Ils seront déployés entre Yantian, Vung Tau (sud du Vietnam) et Singapour et le nord de l’Europe (Le Havre, Anvers) et depuis Shekou, Vung Tau et Singapour vers la Méditerranée (Fos-sur-Mer, Malte).

Initiative franco-française

« La mise en place de ce nouveau service témoigne de la capacité de CMA CGM à adapter rapidement son offre pour répondre à la demande de ses clients et les accompagner dans la gestion de leurs chaînes d’approvisionnement dans un contexte de perturbation des routes maritimes majeures », indique le transporteur dont le volume de marchandises transportées avait augmenté, à l’issue du premier trimestre, de 11,7 % par rapport à celui de 2023 et de 2,1 % par rapport au dernier trimestre 2023.

Cette initiative franco-française détonne par rapport aux annonces du secteur où la tendance est à la suppression des départs en raison de l’engorgement dans plusieurs ports en Asie et Moyen-Orient.

Le déroutement massif de la flotte mondiale de la mer Rouge du Canal de Suez engendre un remaniement des itinéraires avec effets dominos. Pour respecter leur transit-time, certains armateurs annulent les escales les moins rentables, ce qui accroit la pression sur les ports clés, notamment en Asie du Sud-Est (Shanghai, Qingdao, Guangzhou, Singapour, Port Klang, Tanjung Pelepas…) et en Méditerranée occidentale, en particulier à Tanger Med, Barcelone et Algésiras où les armateurs transbordent.

39 départs annulés entre le 27 mai et 30 juin

Selon l’analyste Drewry, les alliances ont annulé 39 départs sur les lignes Est-Ouest entre la semaine 22 (27 mai-2 juin) et la semaine 26 (24 juin-30 juin), sur un total de 651 départs programmés, soit 6 % des voyages rayés de la carte.

Au cours de cette période, le grand perdant est la route transpacifique (eastbound) avec 44 % de suppressions. Les liaisons Asie-Europe du Nord et Méditerranée sont également fortement affectées par une offre réduite de 36 % (en termes de départs). Le transatlantique (westbound) est un peu plus épargné, avec seulement 20 % d’ajournements.

Taux de fret encore en hausse de 12 %

L’indice mondial établi par Drewry a enregistré une nouvelle progression la semaine dernière de 12 % pour s’établir à 4 716 $ par conteneur de 40 pieds (FEU, forty equivalent unit) contre 4 226 $ la semaine d’avant.

À ce niveau, il est de 181 % plus élevé qu’à la même semaine de l’année dernière.
Avec 3 384 $ en moyenne depuis le début de l’année, le prix du transport a renchéri de 654 $ par rapport au taux moyen enregistré sur 10 ans (mais la pandémie biaise cette donnée).

Entre Shanghai et Gênes, les taux de fret ont bondi en une semaine de 17 % (+ 971 $) pour atteindre 6 664 $ par conteneur de 40 pieds. Et entre la locomotive portuaire mondiale et Rotterdam, ils ont augmenté de 762 $ pour atteindre 6 032 $/FEU. Même dans le sens inverse, les tarifs ne résistent pas à au fléchissement (+ 5 % mais qu’à 642 $/FEU).

Le thermomètre du secteur conteneurisé, le SCFI (Shanghai Containerized Freight Index), composé des taux spot pour les conteneurs au départ de la Chine vers une vingtaine de destinations, a pris 140 points en une semaine (au 6 juin), passant de 3044,77 à 3184,87, ce qui représente la 11e semaine consécutive de hausse des taux, sous l’effet de l’emballement de la demande depuis la Chine et de la pénurie (temporaire) de navires.

Il reste toutefois encore loin du pic historique de 5 110 points enregistré le 7 janvier 2022 en pleine crise Covid. Les taux spot moyens sont néanmoins presque trois fois plus élevés qu’il y a un an. Le SCFI est passé de 1 000 points début novembre à plus de 2 200 points en janvier et février, après quoi les taux spot ont recommencé à baisser.

Le CCFI, qui reflète les taux de fret au comptant et contractuels au départ de la Chine vers une douzaine de destinations mondiales, est proche des 1 500 points (+ 184 points en une semaine). L’an dernier, à la même époque, il cotait à 931 points.

Pluie de suppléments

Dans sa dernière actualisation, le numéro deux mondial de la ligne régulière, Maersk s’attend à ce que les perturbations se poursuivent jusqu’au troisième trimestre de 2024.

« Nous faisons tout ce qui est en notre pouvoir pour augmenter la capacité de nos itinéraires. Jusqu’à présent, nous avons loué plus de 125 000 conteneurs supplémentaires et augmenté notre vitesse de navigation, tout en organisant notre flotte pour augmenter la capacité là où c’est possible. Des suppléments sont à prévoir ».

CMA CGM et Hapag-Lloyd ont annoncé l’application de Peak Season Surcharge (PSS) pour la mi-juin : + 1 000 $/FEU sur Asie-Méditerranée pour le premier et sur tous les trade Asie-Europe pour Hapag-Lloyd.

Adeline Descamps