Accident ou incident, les causes de la sortie de piste de l’avion de Transair affrété par la compagnie nationale Air Sénégal à l’AIBD ne peuvent être déterminées que dans trois mois minimums après l’enquête du Bureau d’Enquête et d’Analyse pour la Sécurité de l’Aviation Civile (BEA) qui sera sanctionné d’un rapport provisoire selon les propos de l’ancien inspecteur sécurité de l’aviation civile Alioune Ngayde. Interpellé sur le sujet dans une télé, le consultant en aviation civile s’est également prononcé sur la responsabilité d’Air Sénégal dans cette affaire qui suscite beaucoup de débats mais aussi l’implication de la firme américaine Boeing qui traverse une période délicate et le rôle de Transair.
Monsieur Ngayde assure que les prochains mois seront déterminants pour élucider ce dossier puisque des éléments d’enquête technique peuvent surgir à tout moment tout en demandant une meilleure prise en compte du travail des inspecteurs de l’aviation civile au Sénégal.
L’opérationnalité de l’avion en question, la réaction des responsables de Transair suffit-il face aux nombreuses accusations ?
Il faut comprendre la réaction des passagers victimes de l’accident. Quand un avion a un accident, les services de l’aéroport sont déjà entrainés à secourir les passagers et la compagnie aérienne a aussi son rôle à jouer. La première disposition et la meilleure c’est déjà de sauver les vies et préserver l’avion (s’il y a un feu à atteindre par exemple). Il faut préciser que les indemnisations sont prévues par la réglementation. Mais toutefois, les passagers ne peuvent pas certifier de la navigabilité de l’appareil et ce sera édifié dans l’enquête.
L’appareil a été immatriculé au Sénégal ; donc il a été inspecté par les inspecteurs de navigabilité de l’autorité de l’aviation civile c’est-à-dire l’ANACIM. Et à ce titre l’appareil doit obligatoirement détenir un certificat de navigabilité qu’on appelle CDN. Les conditions d’exploitation des aéronefs étant établies par les concepteurs et les constructeurs.
Dans le Manuel de l’avion, il est inscrit les méthodes d’entretien de chaque pièce de l’avion. Pendant que l’avion fait ses rotations, il y a des responsables qui font les checks nécessaires au moment indiqué. Par exemple, la check dayly, weekly, A, B, C, D. Il peut y a voir une panne inattendue ou un défaut d’entretien ; le BEA va vérifier tous ces aspects et les conditions de sa délivrance.
Le Personnel de Conduite avait-ils les licences nécessaires ?
C’est un avion immatriculé au Sénégal conduit par des pilotes étrangers, détenaient-ils une licence sénégalaise ou bien une validation de licence étrangère qui leur permet de travailler dans des conditions définies par la règlementation sénégalaise ? L’avion détenait-il un certificat de navigabilité, avait-il son assurance, les checks prévues ce jour ont-elles été effectuées ? Est-ce une erreur humaine ? Les pilotes ont-ils procédé à leur Recurrent Training ? Détiennent-ils les qualifications nécessaires ? Etc.
Tout cela sera passé au peigne fin par le bureau enquête Analyses et t à la fin de l’enquête, ils diront si c’est un incident ou un accident, ce qui n’a pas encore été déterminé. Par exemple, si on peut réparer l’avion il n’y a pas de morts, c’est un incident. S’il y a des morts ou des dommages considérables qui empêchent la navigabilité de l’avion, c’est un accident. C’est comme cela que le BEA qui va le définir mais ce sera dans trois mois pour le rapport provisoire. Le rapport définitif sera fait après ce délai.
La responsabilité d’Air Sénégal est telle engagée si l’on sait que la société n’a fait qu’affréter l’Aéronef ?
Air Sénégal est une compagnie qui dispose de ses avions assurées, les pilotes ont tous les documents nécessaires, l’avion a son certificat de vol et son assurance donc pour eux tout est en ordre. Connaissant la rigueur du Directeur Général Alioune Fall, il doit disposer de tous les documents en règles. Maintenant l’ANACIM qui lui a octroyé ses documents son Permis d’Exploitation Aérienne (PEA) & Certificat de Navigation (CNA) et l’enquête vont déterminer si les conditions de délivrance de ces documents ont obéi aux conditions qu’il fallait.
L’enquête va éclaircir sur ces points et déterminer les responsabilités dans le rapport et il faudra corriger au niveau de l’ANACIM certaines procédures, s’il y a un manquement. A cet effet, l’enquête devrait se poursuivre pour que les responsabilités puissent être situées. Les acteurs concernés sont les mieux outillés pour apporter toute la lumière sur cet incident.
Faut-il s’inquiéter avec le géant américain Boeing qui traverse une période tendue ?
C’est vrai que Boeing donne des cheveux gris dans le contexte actuel, mais cet appareil était un Boeing 737 300, c’est-à-dire de l’ancienne génération fabriquée en 1984, 1985. Cet avion a donc 30 ans. Mais l’âge de l’avion ne détermine pas sa navigabilité. Il y a des DC3 qui ont 70 ans et bien entretenus avec toutes les pièces qui volent aux USA. L’âge de l’avion n’est pas l’âge des pièces qui sont dans l’avion.
Les pièces doivent être changées conformément aux FCOM du constructeur. Il faut relativiser l’âge de l’avion. Si toutes les conditions techniques sont remplies avec une maintenance assidue avec un changement rigoureux des pièces et que le maintien de la navigabilité est fait, l’Autorité de l’Aviation Civile te donne l’autorisation de navigabilité après inspection.
La majorité des passagers sont d’origine malienne, le porte de parole du collectif des rescapés n’exclut pas de porter plainte contre Air Sénégal, cela pourrait-il écorner d’avantage l’image de la compagnie qui est déjà secouée par des difficultés ?
Le rôle principal d’une compagnie aérienne est de prendre des passagers d’un point A et de les amener à un point B en toute sécurité. Et évidemment, si cela n’a pas été fait cela veut dire qu’il y a des manquements qui seront définis par le Bureau d’Enquête et d’Analyse pour la Sécurité de l’Aviation Civile du Sénégal (BEA).
D’un autre côté, il y a l’enquête judicaire qui est mené par le Procureur de la République qui est certainement en cours concomitamment avec l’enquête technique qui ne va pas dire qui est le coupable. Ce dernier va déterminer les causes techniques probables de l’accident alors que le procureur lui cherche le coupable ou les coupables dans tous les segments du personnel de service. Le diagnostic technique va être fait en tenant compte de tous les aspects notamment environnementaux.
En tant qu’Expert en sécurité d’avion, des failles peuvent-elles échapper aux contrôleurs techniques avant la navigation ?
S’il n’y a pas de facteurs humains, il y aurait rarement des accidents. Absence de contrôle, ne fait pas attention, contrôle non validé selon les procédures, il peut y avoir des manquements. C’est l’être humain est naturellement le créateur principal d’accident. Au niveau de l’aviation les pilotes selon l’âge doivent avant 40 ans ou après 40 ans procéder à des contrôles et des maintiens de compétences y compris le personnel navigant de cabine.
Vous avez vu sur les images de l’incident comment les navigants ont réagi vis-à-vis des passagers en donnant des instructions. C’est un personnel préparé à un accident à tout moment. Pendant que l’avion roule pour décoller les pilotes procèdent à leur check-list, le personnel de cabine fait aussi sa check-list silencieuse, ils sont là et réfléchissent sur quel type d’accident anticiper jusqu’à ce que l’avion décolle et durant tout le vol la vigilance est de rigueur.
Les sapeurs-pompiers sont présents à l’aéroport toujours en alerte et prêts. L’accident est pris en compte mais n’est pas prévisible. C’est pour cela il a été mis en place pour les compagnies aériennes le Safety Management System (SMS) afin d’identifier et quantifier les causes probables menant à l’accident.
Chaque compagnie aérienne met en place un manuel de sécurité qui, s’il est suivi à la lettre, permettra d’éliminer toute brèche qui serait un facteur contributif à l’accident. Ces situations arrivent même dans des pays développés mais quand cela se produit en Afrique, cela suscite beaucoup de questionnements et de discussions.
Quelles pistes de réflexions ou orientations pouvez-vous donner pour une meilleure gestion de ces genres de situations ?
J’ai travaillé dans le secteur et je suis conscient du travail que mènent sans relâche les inspecteurs qui doivent être mieux outillés par des formations et leur permettre de procéder à inspections régulières sur le terrain. Ils procèdent ainsi à des Inspections Safety Assessement for National Aircraft (SANA) sur les avions immatriculés au Sénégal et le Safety Assessement for Foreign Aircraft (SAFA) sur les avions étrangers. Tout ceci, constitue une partie du travail de l’inspecteur de l’aviation civile (Supervision de la Sécurité) et c’est très important.
Il faudra que l’État du Sénégal appuie l’Autorité de l’Aviation Civile surtout les inspecteurs notamment dans la formation et dans la promotion du secteur. Parce que mélanger la Météo qui est très lourde à supporter financièrement, nécessitant beaucoup d’investissements n’aide pas l’aviation civile. L’Aviation Civile, c’est aussi, les Certifications des Exploitants aériens, leurs supervisions, afin que des mesures correctives soient prises à chaque manquement, transgression des règles, etc.
Signature Africa Supply Chain
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