Article rédigé par Aliou NGAYDE paru dans le numéro 11 de Africa Supply Chain
Difficultés des États dans la gestion des compagnies aériennes. Il serait prétentieux d’être exhaustif à cause du sujet très vaste mais un bref survol peut se faire … Si nous divisons l’Afrique en secteurs, on se rend compte que le problème n’est pas le même d’un point à un autre du continent. Par exemple, nous avons le Maroc qui a acquis une avance considérable sur les autres pays du Maghreb.
En Afrique de l’Ouest, depuis 1961, la Multinationale Air Afrique en était le leader naturel, ainsi qu’en Afrique Centrale (Tchad, Congo, Ré publique Centrafricaine, Gabon … À sa disparition, beaucoup de pays se sont retrouvés orphelins pour leurs dessertes extérieures, ainsi que leurs aviations civiles embryonnaires car tous les actes se faisaient en Côte d’ivoire du fait de l’accord de siège et de et de l’immatriculation des avions dans ce pays.
C’est ainsi que certains pays se sont lancés dans la création de leurs propres compagnies aériennes, au lieu de se regrouper, chacun croyant pouvoir s’en sortir tout seul…le Sénégal, la Côte-d’Ivoire, la Mauritanie, le Burkina Faso. Aujourd’hui, seule Air Cote d’Ivoire y va doucement mais surement et étend son réseau patiemment, parfois avec des accords de partenariat avec certaines compagnies (Air Sénégal –Ethiopian) et se projette déjà vers l’Afrique du Nord (Casablanca).
Air Sénégal peine à décoller réellement et on ne parvient pas à comprendre quel plan stratégique il veut développer, ni vers quel horizon et cela depuis sa création, changeant de stratégies commerciales trop souvent, et de modules, annulant des dessertes puis les reprenant, sans compter l‘implication politique flagrante de l’État qui influe sur le commercial, un personnel pléthorique, souvent sans expérience.
Si on n’y prend pas garde, en redressant la barre, et ça risque d’être catastrophique. Mauritania Airways tient le coup malgré des difficultés de trésorerie comme sa sœur sénégalaise sans parler de la gestion aussi bien au niveau du personnel que dans les choix.
Le Togo a une l’intelligence d’accueillir une compagnie privée panafricaine en lui accordant un accord de Siège. Asky Airlines s’est alliée à la meilleure compagnie continentale Ethiopian Airlines, avec un plan stratégique de développement bien pensé qu’elle déroule à merveille. Le Nigeria, avec plus de compagnies aériennes se débrouille et se restructure avec un potentiel très élevé, même à l’intérieur du pays, avec une aviation civile qui veille au grain.
La compagnie Air Peace Limited s’en sort à merveille et fait même Londres. Les infrastructures aéroportuaires restent le parent pauvre de l’aviation civile des pays au Sud du Sahara sauf dans quelques pays (Sénégal, Mauritanie, Côte d’Ivoire, l’Afrique du Sud, Togo, Ethiopie, Kenya…). L’Afrique Centrale est le parent pauvre du domaine aéronautique avec quelques efforts du Cameroun et Air Gabon qui tentent de renaitre .
L’Afrique du Sud avec sa compagnie nationale qui nage depuis des années dans des problèmes financiers, tente de renaitre. Ethiopian Airlines est de loin la meilleure compagnie disposant d’une vision claire et novatrice. Cette compagnie dispose de toutes les infrastructures nécessaires pour rationnaliser en mettant en place une académie de formation solide équipée de tous les outils nécessaires à la formation des pilotes, personnel de cabine, personnel de maintenance et agents techniques d’exploitations.
Le personnel commercial d’accueil n’est pas en reste. En plus, elle a développé un partenariat avec beaucoup de pays en Afrique aussi bien avec des États (Tchad, Madagascar, Guinée etc.), qu’avec des compagnies privées (Asky Airlines au Togo). Kenya Airways, naguère florissante, se relève tout doucement.
Par contre, son hub de Nairobi est très performant avec des vols vers l’Asie et le monde arabe. Il faut dire que petit à petit, à l’instar du monde entier, naguère handicapé par la Covid-19, le transport aérien africain revient au niveau d’avant. Compagnies privées (Asky Airlines au Togo).
Kenya Airways, naguère florissante, se relève tout doucement. Par contre, son hub de Nairobi est très performant avec des vols vers l’Asie et le monde arabe. Il faut dire que petit à petit, à l’instar du monde entier, naguère handicapé par la Covid-19, le transport aérien africain revient au niveau d’avant.
Difficultés Les compagnies africaines rencontrent beaucoup de difficultés qui sont :
- Le manque de vision stratégique en mettant en avant l’aspect prestige ;
- Le manque de professionnalisme dans le recrutement en mettant en avant le clientélisme et non la compétence au niveau managérial et commercial ;
- L’implication très poussée de l’État dans la gestion et l’exploitation des compagnies aériennes nationales ;
- Maintenance et formation confiées en externe à des sociétés hors d’Afrique qui facturent au prix fort leurs prestations, si on considère la lourdeur de ces postes budgétaires ;
- Des taxes et redevances très élevées qui alourdissent le prix des billets, rendant leurs destinations non compétitives ;
- Personnel souvent démotivé parce que non valorisé ;
- Les accords ZLECAF non encore rentabilisés à cause de certains états qui ne l’appliquent pas encore ;
- Manques d’accords inter compagnies pour une collaboration mutualisant et une harmonisation des horaires ;
- Un système de réservation intra africain … Voilà en vrac quelques causes qui plombent le décollage de nos compagnies ; L’exemple à suivre est celui d’Ethiopian Airlines et celui de la RAM ;
Perspectives
- Autonomiser les « Autorités d’Aviation Civile » et les doter pour l’accomplissement de leurs missions de supervision de la sécurité ;
- On pourrait diviser l’Afrique en zones et y créer des méga compagnies multinationales, ce qui permettrait de desservir tous les continents au lieu que les autres viennent se servir chez nous ;
- Favoriser l’aviation générale pour les vols intérieurs et de proximités ;
- Harmoniser les taxes au niveau régional pour réduire le cout du billet ;
- Se doter d’infrastructures de dernières générations pour absorber et faciliter aux passagers un voyage sans beaucoup de difficultés (facilitation) ;
- Se doter d’écoles de formation de qualité pour tous les métiers ;
- Se lancer dans l’industrie aéronautique en fournissant en premier lieu des dérivés pour les constructeurs à des prix plus bas qu’en Europe ;
- Se doter de plus de compagnies « cargo » qui sont plus rentables.
Aliou NGAYDE Inspecteur de l’Aviation Civile