Privée de façade maritime depuis l’indépendance de l’Érythrée en 1993, l’Éthiopie multiplie les initiatives pour s’affranchir de sa dépendance au port de Djibouti. Entre diversification des partenariats régionaux et défis géopolitiques, Addis-Abeba tente de sécuriser des corridors commerciaux vitaux pour relancer son économie et affirmer son influence en Afrique de l’Est.
Enclavée depuis trois décennies, l’Éthiopie subit de plein fouet les conséquences économiques de son statut. La perte de ses ports historiques sur la mer Rouge, notamment Assab et Massawa, après la sécession de l’Érythrée, a drastiquement alourdi ses coûts logistiques.
Aujourd’hui, le pays dépend à 95 % du port de Djibouti pour ses importations et exportations, une vulnérabilité qui pèse sur sa croissance et sa stabilité. Cette dépendance unique expose Addis-Abeba aux aléas politiques et tarifaires, poussant l’État à imaginer des alternatives.
Pour réduire sa reliance sur Djibouti, l’Éthiopie mise sur une approche multipolaire. En 2018, elle acquiert 19 % du port de Berbera, en Somaliland – un territoire non reconnu internationalement –, visant à créer un corridor vers le golfe d’Aden.
Parallèlement, le rapprochement avec l’Érythrée, scellé par un accord de paix en 2018, ouvre timidement la voie à une réutilisation des ports érythréens. Enfin, le projet Lamu (LAPSSET) au Kenya, connectant l’Éthiopie à l’océan Indien, incarne une ambition à long terme, bien que freinée par des retards infrastructurels.
Ces initiatives s’inscrivent dans un contexte régional volatile. Les tensions entre l’Érythrée et Djibouti, les revendications territoriales de la Somalie sur le Somaliland, et les rivalités autour de la mer Rouge compliquent la diplomatie éthiopienne.
Les investissements dans des infrastructures ferroviaires (comme la ligne Addis-Abeba–Djibouti) et routières sont cruciaux, mais le pays, déjà endetté, peine à financer ces projets. De plus, l’instabilité chronique dans la Corne de l’Afrique menace la pérennité des accords conclus.
À moyen terme, l’Éthiopie pourrait étendre ses partenariats vers d’autres voisins, comme le Soudan ou la Tanzanie, pour sécuriser des accès complémentaires. Toutefois, son ambition ultime – contrôler un port en propre – se heurte aux réalités souveraines des États côtiers.
La réussite de sa stratégie dépendra de sa capacité à concilier pragmatisme économique, stabilité régionale et appuis internationaux. En retrouvant une façade maritime, Addis-Abeba cherche autant à revitaliser son économie qu’à réaffirmer son rôle de puissance incontournable dans une région clé des routes commerciales mondiales.
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