(Magasine n°12 Les Femmes dans a supply chain)
Historiquement dominée par des profils masculins, la supply chain évolue sous l’effet de la mondialisation, de l’innovation technologique et des nouvelles exigences environnementales et sociétales. Cette évolution requiert des compétences variées avec entre autres le leadership, la gestion de projet, l’adaptation aux nouvelles technologies, le sens analytique et stratégique, la gestion des relations, l’agilité. Des aptitudes que les femmes démontrent avec brio dans les différentes strates de la chaîne d’approvisionnement.
« Selon le 9ème sondage annuel « Women in Supply Chain » conduit en 2024 par le cabinet Gartner, elles occupent 26 % des postes de top management et représentent 40 % des effectifs globaux du secteur. »
Selon le 9ème sondage annuel « Women in Supply Chain » conduit en 2024 par le cabinet Gartner, elles occupent 26 % des postes de top management et représentent 40 % des effectifs globaux du secteur. Leur présence apporte une diversité bénéfique qui prouve que compétence et leadership n’ont pas de genre.
Pourtant, des défis demeurent : sous représentation dans les postes de direction, accès limité à certaines opportunités ou encore stéréotypes bien ancrés. Quels freins empêchent encore les femmes d’accéder aux postes clés de la supply chain? Quels leviers existent pour favoriser une plus grande mixité dans le secteur ?
Pourquoi faut-il briser le plafond de verre pour attirer et fidéliser les talents féminins ?
Ce sont des questions que nous nous sommes posées et auxquelles nous chercherons à répondre. Car, loin d’être une question de simple représentation, il s’agit d’un enjeu stratégique pour répondre aux défis de demain, encourager des décisions plus équilibrées et des approches managériales plus inclusives.
Héritage historique et stéréotypes de genre
Lorsqu’on évoque la supply chain, on pense souvent à des métiers perçus comme physiques et contraignants : gestionnaire d’entrepôt, cariste, affréteur, chauffeur ou encore chef de quai. Ces métiers, souvent de terrain nécessitent souvent de travailler à des horaires décalés, dans des zones parfois difficilement accessibles, en entrepôt ou en déplacement (transport routier, maritime, etc.), avec des charges à porter. Même si les conditions de ces métiers ont évolué, certains aspects restent d’actualité, surtout dans le contexte africain où la vulnérabilité des femmes fait qu’elles sont sujettes à de nombreux défis tels que la discrimination, le harcèlement sexuel, l’insécurité ou l’accès restreint à la formation.
De plus, même si les femmes sont de plus en plus émancipées des tâches conjugales, elles ont souvent le rôle de gestionnaire du foyer, quel que soit le métier qu’elles exercent. Certaines contraintes physiques liées à ces métiers, associées à la charge mentale induite, peuvent rapidement dissuader certaines candidates.
D’ailleurs, le rapport 2024 de l’Observatoire Prospectif des métiers et des qualifications dans les Transports et la Logistique (OPTL) en France indique que si les femmes sont devenues majoritaires dans certains postes spécifiques, comme dans la gestion (77% des salariés sont des femmes) et l’achat/vente (61%), elles sont sous-représentées dans les métiers de la maintenance (6%) et de la conduite (11%).
La même distribution peut être observée en Afrique, avec l’exemple de la plateforme portuaire togolaise où, en 2017, sur les 67 femmes employées, 49 occupaient des postes dans l’administration, les ressources humaines, la gestion communautaire et le secteur médico-social. En 2019, la chaine de télévision française France 24 faisait un reportage sur une dame surnommée « Mama Africa », la seule femme conductrice de poids lourds dans toute l’Afrique de l’Ouest faisant des tournées entre Lomé et Ouagadougou.
« La faible représentation des femmes dans le milieu s’explique également par le manque de figures inspirantes. »
Peu de femmes occupent des postes de direction ou des rôles opérationnels visibles, ce qui limite l’identification et l’ambition des jeunes générations à intégrer ce secteur. En 2024, Alcott Global, une entreprise spécialisée dans le recrutement de cadres pour la supply chain, la logistique et la technologie, a sélectionné 30 leaders mondiaux du secteur parmi 257 entreprises issues de 32 pays dont 47% en Amérique du Nord et en Amérique Latine, 40% en Europe et 13% en Asie-Pacifique, au Moyen-Orient et en Afrique. Parmi eux, seules 9 étaient des femmes, soit 30% des lauréats. Un chiffre révélateur du chemin à parcourir.
Avec peu d’exemples concrets de réussites féminines et un manque de visibilité des success stories, de nombreuses femmes peuvent hésiter à se projeter dans des carrières logistiques ou à viser des postes à responsabilité.
Cet effet d’autocensure est souvent renforcé par les stéréotypes dans l’orientation scolaire, qui poussent les jeunes filles vers des filières moins techniques ou industrielles mais aussi par la culture de certaines entreprises qui, par réflexe inconscient, privilégient des profils masculins pour des rôles jugés plus « techniques » ou « physiques ». Pistes pour développer la mixité professionnelle Pour favoriser une meilleure accessibilité des postes logistiques aux femmes, plusieurs initiatives peuvent être mises en place.
L’un des leviers essentiels concerne l’amélioration des conditions de travail afin de réduire la pénibilité de certaines fonctions grâce aux avancées technologiques, notamment la digitalisation, la robotisation et l’intelligence artificielle. L’intégration d’exosquelettes, de robots collaboratifs ou encore de véhicules à guidage automatique (VGA) permet d’assister les opérateurs dans leurs tâches et d’attirer davantage de femmes vers ces postes.
Ces investissements en faveur de l’égalité professionnelle doivent s’accompagner de mesures visant à adapter l’environnement de travail aux besoins des femmes, telles que l’aménagement de vestiaires dédiés, l’allègement des charges pour les femmes enceintes, la flexibilisation des horaires ou encore des dispositifs de soutien à la parentalité comme la garde d’enfants et le covoiturage. Ces actions peuvent contribuer à un meilleur équilibre entre vie professionnelle et personnelle.
Un autre axe d’action primordial concerne le recrutement, l’évolution des compétences et la progression de carrière des femmes. De plus en plus d’organisations adoptent des politiques de diversité et d’inclusion à travers la mise en place de mentorats, de réseaux féminins et de formations sur l’égalité professionnelle.
Toutefois, il est essentiel de lutter contre les stéréotypes de genre en rédigeant des offres d’emploi inclusives, en diversifiant les canaux de recrutement et en sensibilisant les équipes de ressources humaines aux pratiques non discriminantes. Par ailleurs, les entreprises doivent encourager la promotion interne en incitant les femmes à postuler à des postes à responsabilité et en garantissant une équité de traitement après un congé maternité ou un passage à temps partiel.
« En Europe et en Amérique du Nord, certaines initiatives, comme l’instauration de quotas et de programmes en faveur de la diversité, accélèrent la progression vers l’égalité des sexes dans la supply chain. »
En Europe et en Amérique du Nord, certaines initiatives, comme l’instauration de quotas et de programmes en faveur de la diversité, accélèrent la progression vers l’égalité des sexes dans la supply chain. En Afrique, bien que les femmes jouent un rôle clé dans les chaînes d’approvisionnement locales, notamment dans l’agriculture et le commerce informel, elles restent sous-représentées aux postes de direction logistique et industrielle.
Cependant, des initiatives émergent progressivement pour favoriser leur inclusion, notamment à travers des associations et des réseaux professionnels dédiés au leadership féminin. C’est le cas de Women in Logistics – Africa (WILA), un réseau regroupant des professionnelles de la supply chain issues de plus de dix pays africains, qui œuvre pour une plus grande représentation des femmes, en particulier dans les postes de direction. Blue Women Africa, une organisation engagée pour l’égalité dans le secteur maritime où la présence féminine demeure encore marginale, constitue un autre exemple.
Briser le plafond de verre : un impératif stratégique
Les entreprises ont tout à gagner à promouvoir la diversité dans leurs équipes de supply chain. Des études ont démontré que les entreprises les plus diversifiées enregistrent de meilleures performances et une plus grande résilience face aux crises. Selon une enquête menée en 2016 par le Peterson Institute for International Economics, les entreprises dont 30% des postes de direction sont occupés par des femmes enregistrent une marge nette supérieure de 1% par rapport à des sociétés comparables dépourvues de leadership féminin.
D’un autre côté, une analyse de McKinsey en 2020 révèle que les entreprises avec une forte représentation féminine dans leurs équipes dirigeantes affichent une rentabilité supérieure de 21% par rapport à celles qui sont moins diversifiées.
Ce même cabinet, dans son rapport intitulé The power of parity : How advancing women’s equality can add $12 trillion in global growth (Le pouvoir de la parité : Comment la progression de l’égalité envers les femmes peut ajouter 12000 milliards de dollars à la croissance mondiale), publié pour la première fois en 2015, démontrait la contribution des femmes à la croissance du PIB mondial à l’horizon 2025.
« En plus de ces résultats sur la performance des organisations, l’intégration accrue des femmes contribue à enrichir les perspectives stratégiques, à favoriser l’innovation et à renforcer l’agilité des organisations. »
En parallèle, il faut noter que le secteur fait face à une pénurie de main d’œuvre qualifiée. Une enquête menée entre janvier et mars 2022 par le Council of Supply Chain Management Professionals et Tools Group auprès de plus de 300 professionnels de la supply chain dans le monde entier a révélé que 52 % des projets supply chain sont entravés par la pénurie de compétences. En attirant davantage de femmes, les entreprises élargissent leur vivier de talents, augmentent leur capacité à innover et s’adaptent mieux aux défis logistiques et technologiques.
Enfin, favoriser une culture plus inclusive et moderne permet d’améliorer le climat social, de réduire le turnover et de renforcer l’engagement des employés. Briser le plafond de verre dans la supply chain, c’est aussi un enjeu de responsabilité sociale pour les entreprises souhaitant s’engager en faveur de la diversité et de l’inclusion. Des politiques inclusives, comme l’adaptation des horaires et des conditions de travail, profitent à tous les salariés, pas seulement aux femmes. Vers une supply chain plus inclusive.
« L’avenir de la supply chain sera inclusif ou ne sera pas. La supply chain de demain ne peut se construire sans les femmes. »
L’avenir de la supply chain sera inclusif ou ne sera pas. La supply chain de demain ne peut se construire sans les femmes. Leur montée en puissance dans ce secteur témoigne d’une évolution positive, mais il reste encore du chemin à parcourir pour garantir une égalité réelle des opportunités. Il appartient désormais aux entreprises, gouvernements, organismes de formation et autres acteurs du secteur de prendre toute la mesure de cet enjeu stratégique et de travailler ensemble pour faire évoluer les mentalités et les pratiques.
Ensemble, faisons de la supply chain un secteur où chaque talent, sans distinction de genre, peut s’épanouir et exceller!
Avec enthousiasme, Oulématou CAMARA Professionnelle en Supply Chain
0 commentaires