Encore marginale au sein du groupe de transport danois, la logistique porte pourtant toutes les ambitions de Maersk qui aimerait ainsi s’affranchir des cycles maritimes. Pour construire son offre dans le domaine terrestre et aérien, l’armateur danois a privilégié des acquisitions de petite et moyenne taille. À la différence de CMA CGM.
Pesant peu au sein du groupe de transport danois, le segment Logistics & Services porte pourtant toutes les ambitions de Maersk qui aimerait y trouver une assise pour s’affranchir des cycles et contrecycles qu’il subit plus durement que ses concurrents.
Les activités récentes à terre et dans les airs, censées incarner sa stratégie air-mer-terre sans coutures, se sont mieux comportées au second trimestre.
Le segment logistique a vu son chiffre d’affaires progresser de 7,3 % (+ 246 M$) par rapport à l’année précédente pour atteindre 3,6 Md$, « en raison de l’augmentation des volumes dans toutes les familles de produits, compensant la faiblesse persistante des tarifs », indique Vincent Clerc, le PDG du groupe A.P. Møller Maersk, et grâce aux « progrès sur les initiatives » visant à répondre aux « défis de mise en œuvre des clients » dans la logistique terrestre en Amérique du Nord. Mais les marges se sont particulièrement dégradées sur ce marché tandis que l’utilisation des actifs aérien n’est pas non plus à la hauteur des objectifs.
L’Ebit a été légèrement supérieur à celui de la période comparable de 2023 (126 M$ versus 115 M$) et a rebondi par rapport à celui des trois premiers mois de l’année (particulièrement faible) mais la marge d’exploitation pour les douze derniers mois – de 2,6 % – ne répond toujours pas à l’objectif de plus de 6 %,.
Sur l’ensemble du semestre, plombé par un premier trimestre très difficile, l’Ebitda est en repli de 2,1 % à 614 M$ et l’Ebit s’est dégradé de 28 %, à 180 M$.
Un contexte porteur ?
Les résultats de Maersk s’inscrivent dans un contexte où la demande mondiale de transport de fret aérien a augmenté de 3 % en glissement annuel au premier trimestre et est estimée entre 6 à 7 % par rapport à avril-juin 2023. Le secteur a pu profiter des difficultés du conteneur en réaction à la perte de fiabilité des transit-time en mer.
Le marché est actuellement porté par les exportations chinoises, en hausse de 11 % depuis le début de l’année, principalement grâce au commerce électronique, l’actuel carburant du fret aérien.
L’offre a continué d’augmenter au deuxième trimestre, de 8 % en glissement annuel, principalement en raison d’un afflux de capacités en Asie-Pacifique. Malgré cet apport, les taux, mesurés par l’indice TAC, sont restés stables tout au long du trimestre et n’ont diminué que de 2 % en glissement annuel.
Dans l’entreposage, selon Cushman and Wakefield, les taux de vacance pour les entrepôts américains ont augmenté à 6,1 % sur la période avril-juin. Mais l’offre étant limitée (les mises en chantier freinées par des taux d’intérêt élevé), Maersk peut espérer voir les loyers se raffermir.
Dans la zone euro, où le secteur manufacturier est encore à la peine, le marché « logistique intégrée » de Maersk est soumis à plus d’incertitudes.
D’autres acquisitions ?
Pour autant, A.P. Moller – Maersk – qui donne plutôt la priorité à l’allocation du capital au remboursement de la dette, au paiement des dividendes (ratio de distribution de 30 à 50 % du bénéfice net) et à la distribution des liquidités excédentaires aux actionnaires par le biais de rachats d’actions (6,7 Md$ sur la période 2022-2025) –, soutient que les investissements dans les entreprises, « y compris les acquisitions dans le secteur de la logistique et des services », figure en haut de la pile de ses priorités.
Il vient de se retirer des candidats en lice pour la reprise de DB Shencker que son propriétaire perclus de dettes a mis en vente. Le groupe de transport et logistique a justifié ce retrait par des difficultés d’intégration d’un groupe de cette taille. Jusqu’à présent Maersk s’est en effet concentré sur des acquisitions de petite et moyenne taille.
Plus de 8 Md$
Depuis 2020, dans le cadre de sa stratégie visant à offrir un service de transport de bout en bout, l’armateur danois a investi plus de 8 Md$ afin d’acquérir des actifs dans le domaine de l’entreposage et de la distribution (Performance Team), de la gestion sous douane (KGH Customs Services), dans la distribution BtoB et BtoC (LF Logistics), du traitement de commandes pour l’e-commerce (Visible SCM, B2C Europe, Huub), de la mode et du lifestyle (ICL), de la livraison du premier et dernier kilomètre (Pilot Freight Services) et de la logistique de projet (Martin Bencher). Mais les plus emblématiques reste LF Logistics, basée à Hong Kong, et Senator International, le transitaire allemand très ancré dans le fret aérien.
De la nature des acquisitions
CMA CGM, qui partage avec Maersk, une stratégie dite de « logistique intégrée » pour s’affranchir des effets de yo-yo du maritime, semble réussir bien mieux que son challenger direct. Son activité logistique a bondi de près de 29 %, au deuxième trimestre, avec 4,79 Md$, soit 36,5 % du chiffre d’affaires total du groupe (32 % à l’issue du premier trimestre). Effet artificiellement gonflé par Bolloré Logistics, intégré dans les résultats du groupe marseillais.
Avec 450 M$, en hausse de 100 M$ sur un an, l’Ebitda des activités terrestres de CMA CGM ne pèse cependant que 18 % du bénéfice d’exploitation global. Et la marge opérationnelle est encore à moins de 10 % quand celle du maritime est à 24 %. Les données portant sur le fret aérien ne sont pas dissociées.
L’atterrissage à terre ou le décollage aérien doivent donc encore se matérialiser pour les armateurs de porte-conteneurs.
Adeline Descamps
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