L’Europe a lancé en 2020 la course au zéro carbone. Le « green deal » vise à réduire à zéro les émissions de carbone européennes en 2050. Depuis, plus de 110 pays se sont ralliés à cet objectif. Or, environ le quart des émissions mondiales sont dues au transport : 60% pour le transport de passagers versus 40% pour le transport de marchandises. Les modes de transport sont nombreux et leur utilisation dépend de nombreux paramètres dont la distance, les réglementations, etc. Quelle place tiennent le rail et le fleuve dans cette course à la décarbonation en Europe ? Quels défis les acteurs de la supply chain mais aussi les pouvoirs publics doivent-ils relever ?
Le transport de marchandises est mondial et les routes dépendent de la localisation des fournisseurs et des clients. Le transport par voies maritimes représente 90% des échanges mais seulement 3% des émissions de gaz à effet de serre.
Pour autant, cela n’est pas négligeable et des recherches sont menées pour réduire ces émissions (Cariou et Lindstad, 2021). Elles concernent l’impact de la réduction de la vitesse des navires ou par exemple l’utilisation de la voile. Mais à l’échelle d’un continent, les modes de transport utilisés sont différents.
Avant la pandémie en 2018, le transport de marchandises représentaient 2 000 milliards de tonnes.kilomètres en Europe. 76% sont transportées par la route, 18% par le rail et 6% par le fleuve. La France possède le plus long réseau de voies navigables tandis que l’Allemagne a le réseau ferroviaire le plus étendu. L’Europe dispose au total d’environ 200 000km de voies ferrées.
La commission européenne a débloqué 26 milliards d’euros pour développer un réseau trans européen de transports multi modaux à horizon 2030. En se basant sur les neuf corridors européens ferroviaires, elle veut renforcer les liaisons en évitant les goulots d’étranglement ou les problèmes d’interopérabilité entre pays.
Les neuf corridors sont Mer du Nord-Méditerranée, Atlantique, Méditerranée, Rhin-Danube, Rhin-Alpes, Oriental-Méditerranée orientale, Mer du Nord-Baltique, Baltique-Adriatique, Scandinave-Méditerranéen.
A terme, le projet vise 94 ports européens reliés aux réseaux ferroviaires et routiers, 38 aéroports reliés aux grandes villes par liaisons ferroviaires, 15 000 km de lignes ferroviaires aménagées pour la grande vitesse et 35 projets transfrontaliers visant à réduire les goulets d’étranglement.
Pour compléter cette ambition de réseau trans européen, le shift project propose sept solutions au niveau de la France et transposables au niveau européen. Parmi ces sept solutions, on peut retenir l’électrification des camions, le remplissage optimisé des véhicules, une mutualisation des flux de marchandises en zone urbaine et le report du routier longue distance vers le rail et le fleuve. Ces propositions doivent mener à une demande globale diminuée de 25%, un transport fluvial multiplié par trois et un transport ferroviaire par deux.
Dans la course à la neutralité carbone, le rail et le fleuve s’avèrent donc être de précieux alliés. Ils diminuent notamment en moyenne d’un facteur 4 les émissions versus le camion. Ils ont en effet des capacités de charge très importantes par rapport à ce dernier.
Un convoi fluvial équivaut à quatre trains complets et 220 camions. De plus, le camion à partir d’une certaine dimension est contre-productif en matière d’émissions (Jaegler et Gondran, 2014). Les transports par rail ou fleuve émettent jusqu’à trois ou quatre fois moins d’externalités négatives au global. Ces externalités sont de plusieurs ordres : accidents, pollution, bruit, congestion, etc.
Mais de nombreux défis restent à relever pour une utilisation de ces transports à plus grande échelle. Le premier est la rupture de charge. Les transports ferroviaires et fluviaux doivent être combinés avec un autre mode de transport car ils ne peuvent pas assurer une livraison du point de départ au point d’arrivée.
Le premier et le dernier kilomètre sont générateurs de surcoûts et d’un allongement des délais car ils occasionnent des ruptures de charge. Cependant, les autoroutes ferroviaires, par exemple, permettent de limiter les ruptures de charge en positionnant directement le camion sur le rail.
D’autres défis existent. Les entrepôts multimodaux avec un accès au rail ou au fleuve ne sont pas nombreux (Huet et Michaux, 2020). L’interopérabilité entre pays est complexe. Il existe par exemple plus de 20 systèmes de signalisation ; dans certains pays, parler la langue est une obligation ; l’écartement des rails n’est pas standardisé.
Pour le fluvial, le niveau des eaux lors des crues peut aussi entraîner une fermeture totale des flux de transport à comparer avec les délais liés à la congestion routière.
La course au zéro carbone lancée par l’Europe et déclinée pour le secteur du transport nécessite donc une concertation entre les différents acteurs tant publics que privés.
L’Europe ne pourra pas y répondre à l’aide d’une seule solution. L’utilisation de différents modes des transports, l’augmentation de l’utilisation du rail et du fleuve, l’arrêt ou la diminution des énergies fossiles seront entre autres nécessaires pour relever ce défi.
Pr. Anicia Jaegler : Doyenne associée à l’inclusivité à Kedge Business School
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