La multimodalité des circuits logistiques : Gage de croissance durable pour l’Afrique
5 juillet 2022 / 13:55

Hisser la logistique africaine au même niveau de celles des puissantes régions du monde, tel est l’objectif de l’ensemble des acteurs de la chaîne d’approvisionnement africaine qu’ils soient PME ou multinationales, pour une région où 75% du coût des marchandises est affecté à la logistique.

Plusieurs facteurs sous-tendent cette ambition des acteurs de la logistique de faire du continent l’une des meilleures places logistiques et
portuaires du monde. En effet, dans les années 2000 le continent africain avait une population, de 811 millions d’habitants qui a presque doublé ces dernières années pour être aujourd’hui autour 1,4 milliard d’habitants. Cette explosion démographique ne risque pas de s’arrêter de sitôt puisque selon l’ONU, la population africaine est estimée à 2,5 milliards d’habitants pour les années 2050. Les besoins des populations se sont naturellement accrus et vont continuer par croître.

Ensuite, l’urbanisation des villes africaines depuis le début du 21ème siècle a été rapide. C’est cela qui a favorisé l’exode rurale des populations vers les villes où sont concentrées l’essentiel des activités économiques des États africains, d’où une congestion incessante à laquelle font face les capitales africaines.

Enfin, la téléphonie mobile avec l’avènement des smartphones et la connexion internet de plus en plus fluide a facilité l’essor du e-commerce qui représente aujourd’hui une part non négligeable dans le commerce africain, ce qui sous-entend un accroissement des volumes d’échanges commerciaux. La SFI (Société Financière Internationale) a d’ailleurs publié en Mai 2021 dans un rapport sur les femmes et l’e-commerce que depuis 2014, le nombre d’acheteurs en ligne a augmenté chaque année de 18% d’où la taille du marché africain du commerce électronique était estimée à 20 milliards $ en 2020.

Au regard de ces facteurs, les infrastructures de transport ne devraient plus être considéré comme de simples infrastructures que les politiciens utilisent comme outil de propagande politique mais plutôt comme un facteur accélérateur de la croissance et de la mutation économique de l’Afrique. Si les investissements dans les plateformes maritimes ont été très remarqués ces dernières années afin de réduire la durée du passage portuaire, d’augmenter le tirant d’eau et d’optimiser les opérations, les investissements dans les corridors routiers et ferroviaires n’ont pas suivi la même cadence. Le continent a pourtant un arrière-pays extrêmement dense dont le trafic ne peut être absorbé qu’avec la mise en place des corridors multimodaux performants. Le constat qui est fait durant ces dernières années est que les économies réalisées par les chargeurs de l’hinterland du fait de la performance des tronçons maritimes et des infrastructures portuaires ainsi que la digitalisation des formalités portuaires se perdent sur les corridors routiers faute de réseau terrestre non structuré et uni-modal pour la plupart du temps.

En Afrique, plus particulièrement dans la région subsaharienne, la route reste le mode de transport le plus sollicité pour le trafic interurbain
et inter-États (le préacheminement des produits agricoles vers les plateformes maritimes et le pos-acheminement des produits issus de l’importation vers l’arrière-pays).

Malgré les nombreux investissements dans les chemins de fer dans les années 70-80, aujourd’hui plus d’un demi-siècle après, le réseau ferroviaire est très peu connecté en Afrique de l’Ouest et du centre, alors que ces régions abritent des ports incontournables pour le trafic de l’immense arrière-pays que représente les populations des pays enclavés.

Pour un continent qui milite en faveur de la valorisation et la transformation sur place de ses matières premières et qui aimerait échanger ses produits entre ses différents États, toutes les pistes en matière de développement d’infrastructures de transport doivent être développées. Les infrastructures ferroviaires quoique dérisoires dans plusieurs pays africains représentent un enjeu stratégique pour l’industrialisation des zones rurales et le désenclavement de celles-ci.

Ceci dit, le transport ferroviaire permettra d’acheminer une
grande quantité de marchandises sur de longues distances sans rupture de charge. Il représenterait une meilleure alternative au transport routier de marchandises qui est retardé par les différentes barrières tarifaires et non tarifaires observés sur les corridors routiers et permettra par la même occasion de sécuriser l’acheminement des marchandises dans des régions en proie aux agressions terroristes des groupes rebelles.

Convoyer les marchandises par chemin de fer facilitera également la réduction de la congestion urbaine dans bon nombre de villes africaines car les ports se développent aux alentours de ces villes en créant d’importants flux routiers. Pour un continent touché de plein fouet par les conséquences du réchauffement climatique, le transport ferroviaire constitue une solution durable en raison de ses faibles émissions de CO2.

Conscient du potentiel du transport ferroviaire et malgré les difficultés rencontrées par certains pays africains faute de rentabilité, de nouveaux projets de réhabilitation ont néanmoins vu le jour ces dernières années grâce à l’appui de Bolloré Railways, la filiale de transport ferroviaire du géant de la logistique africaine il y a encore quelques mois. Bolloré Railways gère et développe entre autres trois concessions en Afrique : Sitarail, Camrail et Benirail. Selon Eric Melet, PDG de Bolloré Railways, le prix du transport d’un conteneur par rail de Douala vers Ngaoundéré ou d’Abidjan vers Ouagadougou est inférieur de 15 % à 20 % à celui de la route.

Malheureusement, ces lignes ferroviaires ne sont que les quelques-unes qui fonctionnent encore donnant un semblant de multimodalité aux corridors terrestres en direction de l’hinterland.

Des projets de transport ferroviaire en Afrique subsaharienne, il y en a énormément mais très peu ont vu le jour. C’est l’exemple du corridor mer/ rail « Épine dorsale » qui était prévu pour relier le Bénin au Niger mais depuis lors des centaines de milliers de tonnes de matières dangereuses (souffre, engrais, etc.) et d’engins lourds continuent à circuler sur la route nationale N°1 pour relier le port de Cotonou à Arlit au Niger.

D’autres projets ont vu le jour mais sont à l’arrêt depuis quelques années comme la ligne ferroviaire Dakar-Bamako qui est à l’arrêt depuis Mai 2018 faute du manque d’investissement. Cette infrastructure reliant le Port de Dakar à son hinterland était fondamentale pour l’économie de la sous-région et essentielle pour désenclaver le Mali. Après plusieurs tentatives de relance telles que la privatisation de
la ligne en 2003 puis une concession en 2015, la ligne Dakar-Bamako a connu son déclin en 2018.

S’il y a bien des coûts logistiques que les acteurs de la logistique africaine ont la capacité de maîtriser sur toute la chaîne logistique des marchandises c’est bel et bien ceux des corridors terrestres, corridors massivement exploités par les acteurs locaux. On se souvient encore des taux de fret maritime qui ont triplé durant la période de la crise sanitaire de la covid-19 et qui ont du mal à retrouver les prix d’antan du fait de la préférence des armateurs des lignes du nord plus rentables que celles du sud surtout en direction de l’Afrique. Si les géants du transport maritime ont la main mise sur l’acheminement maritime et les opérations logistiques portuaires, les gouvernants africains se doivent de trouver les financements adéquats pour développer les corridors terrestres et les rendre multimodaux afin de réduire les coûts
logistiques des produits issus de l’importation et de valoriser par la même occasion les matières premières africaines sur le marché international avant de penser à leur transformation sur place.

Cette transformation des matières premières sur place demande d’ailleurs de disposer d’un réseau terrestre dense multimodal afin d’écouler les stocks de produits fabriqués.

Kevin AKPALI: Spécialiste en Transport-Logistique

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