Le prix du cacao atteint des sommets inégalés depuis près de 50 ans, rendant les douceurs chocolatées plus inquiétantes que réconfortantes ces derniers temps. Des conditions météorologiques inhabituellement pluvieuses, provoquées par El-Nino, ont fortement impacté les rendements des cultures de cacao en Afrique de l’Ouest, confrontant les plus grands fabricants de chocolat à des coûts qui s’envolent pour des ingrédients clés tels que les fèves de cacao et le beurre de cacao.

Cet effet en cascade se répercute sur le portefeuille de nombreux consommateurs – la France étant un foyer mondial de consommation de chocolat avec 300 000 tonnes consommées par an, soit 7,3 kilos par personne environ, avec Pâques en ligne de mire. Les conséquences peuvent s’avérer très graves sans une chaîne d’approvisionnement suffisamment robuste.

Désormais, les perturbations sont devenues la nouvelle norme dans de nombreux secteurs. Pendant la pandémie, le modèle de la supply chain s’est rapidement développé, les fabricants ayant créé de nouvelles relations avec les fournisseurs pour satisfaire les commandes plus rapidement que leurs concurrents. Toutes ces nouvelles connexions et systèmes de planification des ressources d’entreprise (ERP) ont créé un véritable désordre, comportant des flux de données imprécis qui ont plongé les entreprises de toute la chaîne de valeur dans l’obscurité.

Les entreprises leaders repensent leurs stratégies depuis le début – non seulement en termes de consolidation de leurs supply chain, mais aussi en cherchant à accroître leur résilience et leur agilité pour éviter un effet domino, par exemple si les récoltes de cacao ne peuvent plus répondre à la demande.

Comment construire une supply chain résiliente ?

La construction d’une résilience de la supply chain débute par l’identification des points faibles tout au long de celle-ci. L’effet se répand rapidement lorsqu’un maillon subit des pénuries ou des interruptions. Face à un goulot d’étranglement de la capacité chez un fournisseur, un encombrement au port, ou un événement météorologique extrême touchant une installation, des répercussions en aval sont systématiquement observées.

La perception anticipée de cette perturbation permet d’ajuster les processus et de minimiser son impact. La solution va au-delà de la simple relocalisation des usines ou de l’ajout d’un fournisseur. La diversité et la flexibilité sont essentielles, mais l’intégration l’est tout autant.

Les outils numériques modernes peuvent cartographier les réseaux en amont et en aval tout en suivant les expéditions de porte à porte. Cette visibilité étendue permet aux entreprises de détecter plus rapidement les perturbations et de coordonner de meilleures réponses à travers l’écosystème.

La continuité s’améliore lorsque les partenaires accèdent à des données partagées pour des scénarios de résolution comme des ajustements de stockages régionaux ou les déplacements de production vers d’autres sites. La transparence et l’accessibilité de l’information nécessitent confiance et alignement.

Établir des protocoles opérationnels, des contrôles de sécurité et des plans de contingence de manière conjointe donne de meilleurs résultats que d’essayer de comprendre comment apaiser la tempête une fois qu’elle est déjà là et de déterminer comment elle pourrait affecter les autres parties prenantes.

Plus chaque entreprise applique les leçons apprises à travers les perturbations passées, mieux elle peut renforcer ses défenses pour la prochaine. Il n’existe pas de modèle universel, mais en évaluant les expositions aux risques spécifiques, en connectant les réseaux via les données et en collaborant pour adresser les vulnérabilités au travers de la chaîne, les entreprises intègrent une résilience leur permettant de mieux traverser les environnements opérationnels tumultueux.

Les avantages de la résilience

Des supply chains résilientes offrent aux entreprises la capacité de convertir rapidement les incertitudes du marché en opportunités. Par l’application de l’analyse prédictive au sein de réseaux de partenaires interconnectés, elles gagnent une vision complète, permettant de convertir les nouvelles données en décisions concrètes. De plus, ces chaînes d’approvisionnement connectées renforcent l’agilité nécessaire pour adapter les opérations et les alliances, exploitant ainsi au mieux les variations du marché.

Par exemple, si les approvisionnements en fèves de cacao ne satisfont pas la demande pour la troisième année de suite, envisager de nouvelles recettes pour les œufs de Pâques pourrait être judicieux. Cela aurait l’avantage de diminuer la dépendance vis-à-vis d’un fournisseur particulier et de maintenir la production active sans devoir augmenter les prix significativement.

Toutefois, il n’est pas nécessaire d’attendre une perturbation pour revoir ses opérations. La réalisation d’exercices pratiques, de stress tests et de scenario planning peut éclairer les entreprises sur la réaction de leurs chaînes d’approvisionnement face à diverses perturbations, et les encourager à apporter des améliorations telles que la diversification de leurs fournisseurs, l’accroissement de leurs stocks de sécurité, ou l’élaboration de plans de secours.

La réalisation régulière de stress tests offre la possibilité aux entreprises d’identifier les risques naissants et de vérifier la préparation de leur réseau face à d’éventuels chocs. Ce processus contribue à augmenter la résilience de la supply chain, la transformant d’un simple objectif passif en une démarche de gestion active et continue.

Dans un contexte où l’incertitude liée à la chaîne d’approvisionnement s’impose comme une constante à travers tous les secteurs, adopter une posture résiliente devient crucial. Il est impératif pour les entreprises d’évoluer de structures linéaires et fragmentées vers des écosystèmes intégrés, valorisant la visibilité, la flexibilité et la collaboration.

De plus grandes transparence et agilité dans les relations avec ses fournisseurs et distributeurs facilitent une détection plus rapide des perturbations et une meilleure coordination des réponses. Les entreprises qui persistent à opérer selon des modèles statiques s’exposent au risque d’être profondément impactées par une instabilité grandissante. La résilience trace la voie à suivre pour naviguer et tirer parti de cette nouvelle ère de changements accélérés.

Une tribune signée par Fabienne Cetre, vice-présidente régionale France chez Kinaxis

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