Malgré l’afflux massif de nouveaux navires attendus cette année, les prix très élevés de construction et le fait que le marché soit actuellement porté par des facteurs de courte durée, 64 porte-conteneurs supplémentaires ont été commandés au cours du premier semestre.

Une confiance que rien ne déroute ou presque. Malgré l’afflux massif de nouveaux marchés attendus cette année (3 MEVP dont plus d’1 MEVP déjà livrés) et les prix très élevés de construction, 64 porte-conteneurs supplémentaires ont été commandés au cours du premier semestre injectant 543 500 EVP dans la flotte mondiale (dont 24 avec une propulsion au méthanol et six au GNL).

En intègrant les 15 unités livrées plus récemment, soit 80 500 EVP, le total des navires ayant rejoint la flotte mondiale s’élève à 246, représentant près d’1,6 MEVP. En revanche, fait observer Alphaliner, les transporteurs se sont détournés des mégamax, les plus grandes unités commandées ayant concerné des 14 000 EVP (Peter Döhle Schiffahrt, avec une exploitation pour Emirates Shipping Line).

Le second semestre ne devrait pas démentir le premier. Les courtiers en construction navale laissent entendre que des pourparlers sont en cours avec les chantiers navals pour des commandes allant jusqu’à une centaine de navires, dont la majorité entre 8 000 et 17 000 EVP.

Une flotte inactive au point bas

L’activité bat le pavé. Quelque 77 navires (217 038 EVP) n’ont pas eu d’activité génératrice de revenus au cours de la dernière période de quinze jours. Les navires inactifs (210 000 EVP) ont représenté en moyenne 0,7 % de la flotte totale de transport par conteneurs au cours du premier semestre 2024.

L’affrètement de conteneurs maintient également son cap haussier avec une demande de tonnage toujours élevée et un nombre important de contrats. Les locations de longue durée continuent d’augmenter, avec des engagements de trois ans et même de 60 mois qui deviennent de plus en plus la norme, surtout pour les navires les plus grands et les mieux spécifiés.

Des facteurs favorables mais de court terme

La confiance questionne alors que le marché est actuellement porté par des facteurs à court terme, tels que les déviations (temporaires) d’une bonne partie de la flotte mondiale des porte-conteneurs par le cap de Bonne Espérance et une saison de pointe précoce par effet d’anticipation.

Les taux d’affrètement poursuivent leur hausse ininterrompue, à un rythme beaucoup plus rapide que celui observé jusqu’à présent. Une nouvelle référence de 150 000 $/j a été récemment obtenue par un navire de 7 092 EVP en construction neuve (sous-location par PIL du Kota Valparaiso à Maersk) dans le cadre d’un contrat d’environ trois mois, soit 50 000 $ de plus que son sistership fixé à la fin du mois de mai.

Sur le segment des navires d’une capacité de 5 300 à 7 499 EVP, la transaction la plus marquante a concerné l’accord de CMA CGM pour une extension à cinq ans des navires jumeaux Cardiff et Swansea de 6 612 EVP (de Zodiac), à 40 000 $ par jour à compter de la fin 2024.

Agitation dans la location de conteneurs

« Nous constatons que les tarifs de location de conteneurs atteignent 2 600 $ en Chine. C’est complètement fou. Ils ne dépassaient pas 300 $ jusqu’en octobre de l’année dernière, et en l’absence d’une hausse significative de la demande du côté des consommateurs, ces prix n’augmentent qu’en raison des perturbations en mer et non de la demande, ce qui nous inquiète car cela signifie que la situation n’est pas durable et qu’elle est très volatile », a indiqué un client chinois de Container xChange, fournisseur de conteneurs basé à Shanghai.

Quelques élements de soutien au marché

Les tendances dans la demande de détail aux États-Unis et la croissance des volumes traités dans les ports chinois suggèrent une demande soutenue pour les services de transport par conteneurs.

Selon l’enquête mensuelle sur le commerce de détail aux États-Unis, les ventes en mai étaient en hausse de 2,3 % d’une année sur l’autre tandis que la puissance fédération des détaillants américains, la NRF, prévoit une hausse annuelle entre 2,5 % et 3,5 % pour 2024.

L’augmentation des stocks (de 769,3 à 793,5 Md$ entre janvier et avril) suggèrerait en effet une forte demande de services d’expédition de conteneurs. « Elle devrait accroître les besoins en matière d’expédition de conteneurs depuis la Chine, qui est un important centre manufacturier », indique Container xChange;

La croissance de 9 % de la manutention des ports chinois au cours des quatre premiers mois de 2024, avec 104,03 MEVP traités vient conforter ces tendances même si l’évolution du différend tarifaire entre l’UE et la Chine pourrait contrarier la dynamique du marché à court et à moyen terme.

« Les compagnies de transport maritime par conteneurs devraient se préparer à d’éventuels changements dans les schémas commerciaux en diversifiant leurs itinéraires et en renforçant leurs capacités logistiques dans d’autres marchés en croissance, tels que l’Asie du Sud-Est et l’Amérique du Sud », ajoute Christian Roeloffs, cofondateur et directeur général de Container xChange.

Taux de fret toujours à la hausse

Les taux de fret ont encore augmenté dans la semaine se clôturant le 27 juin. L’indice composite de Drewry a renchéri de 4 % pour s’établir à 5 318 $ par conteneur de 40 pieds et de 256 % par rapport à la même semaine de l’année dernière. Ce niveau est inférieur de 49 % au précédent pic pandémique de 10 377 $ en septembre 2021 mais il est en hausse de 274 % par rapport aux taux moyens de 2019 de 1 420 $.

Les taux de fret de Shanghai à Rotterdam ont pris 455 $ (+ 7 %) pour atteindre 7 322 $ par conteneur de 40 pieds. De même, les tarifs de Shanghai à Los Angeles et de Shanghai à New York ont progressé de 4 %, portant l’indice à 6 673 $ et 7 827 $ par conteneur de 40 pieds.

L’autre thermomètre du fret conteneurisé, le SCFI, composé des taux spot pour les conteneurs au départ de la Chine vers une vingtaine de destinations dans le monde, a également affiché un nouveau record de 3 714 points (+ 238 points), son niveau le plus élevé depuis deux ans. Il y a encore deux mois (mars – avril 2024), l’indice évoluait autour de 1 700 pts.

Adeline Descamps