Partisan des méthodes peu orthodoxes, le futur locataire de la Maison Blanche a la solution pour remédier aux droits de passage jugés prohibitifs du canal de Panama et à une prétendue mainmise chinoise : reprendre le contrôle de cette voie rétrocédée en 1999. Des propos susceptibles de perturber une route maritime supplémentaire alors que les navires continuent d’éviter la mer Rouge.
Sous sa première présidence, un tweet impulsif de Donald Trump était de nature à embraser un coin du monde. Il n’est pas encore en poste officiel que le successeur républicain de Joe Biden a déjà repris ses habitudes désordonnées. Cette fois, il s’en est pris, au cours d’un week-end et en pleine trêve des confiseurs, aux droits de passage auxquels sont astreints les navires américains empruntant le canal de Panama.
Partisan des méthodes peu orthodoxes, le futur locataire de la Maison Blanche, qui prendra ses quarts le 20 janvier, à la solution pour y remédier : reprendre le contrôle de cette voie de la navigation devenue royale à la faveur de la mondialisation des échanges.
En 2019, le passage de 80 km, qui permet un raccourci avantageux entre Asie et la côte est des Etats-Unis en faisant l’économie du passage par les eaux agitées du cap Horn, a fêté les vingt ans de sa souveraineté retrouvée, après sa rétrocession par les Américains le 31 décembre 1999 en vertu d’un accord négocié sous la présidence du démocrate Jimmy Carter en 1977.
« Notre marine et notre commerce sont traités de manière particulièrement injuste (…) Les droits que font payer le Panama sont ridicules », a déclaré sur son réseau Truth Social le républicain, y voyant une mainmise de la Chine et une « arnaque»
Si le Panama n’est pas en mesure de garantir « le fonctionnement sûr, efficace et fiable, nous exigerons alors qu’il nous soit restitué, en totalité, et sans discuter », a-t-il ajouté.
Réaction immédiate du Panama
Les autorités n’ont pas tardé à réagir pour contrer les allégations du futur locataire de la Maison Blanche. « Le canal n’est contrôlé, directement ou indirectement, ni par la Chine, ni par la Communauté européenne, ni par les États-Unis ni tout autre puissance. En tant que Panaméen, je rejette fermement toute expression qui déforme cette réalité », a taclé le président du Panama, Jose Raul via son compte X, sans mentionner explicitement Donald Trump avec lequel il est dans son intérêt d’entretenir une bonne relation.
Alors que la souveraineté et l’indépendance d’un pays représente un sujet sensible pour tout État, le dirigeant a rappelé que « chaque m2 du canal de Panama et de ses zones adjacentes appartient au Panama et continuera à lui appartenir ».
Menace sur l’approvisionnement
Les prix du pétrole ont manifesté de l’hésitation face à des propos susceptibles de perturber une route maritime supplémentaire et d’affecter l’approvisionnement – 5 % du trafic maritime mondial –, alors que les navires continuent d’éviter la mer Rouge en raison des attaques de rebelles Houthis. Le baril de Brent a cédé 0,43 % à 72,63 $ et son équivalent américain, le baril de West Texas Intermediate (WTI), pour livraison le même mois, a lâché 0,37 % à 69,20 $.
En dépit de la perte d’un tiers de son trafic au cours de son exercice fiscal (octobre 2023-septembre 2024), le canal de Panama a enregistré un résultat net en hausse de 300 M$, à 3,45 Md$, tandis que ses recettes (+ 18 %) ont approché les 5 Md$.
Les conditions météorologiques ont pourtant coûté cher en termes de trafic. Moins de 10 000 (9 944 dont 2 856 néo-panamax et 7 088 panamax) passages ont transité par la voie navigable pour un volume de 423 Mt contre 511 Mt pour l’exercice précédent.
Le déficit hydrique – le principal ennemi de l’infrastructure –, que le réchauffement climatique a exacerbé ces dernières années (évaporation plus marquée des deux lacs artificiels qui fournissent en eau le système de ses écluses), a été de surcroît aggravé en 2023-2024 par le phénomène de sécheresse intense El Niño, qui se produit tous les sept ans.
Durant la saison sèche (jusqu’en avril-mai), les autorités ont été contraintes de réduire la jauge des passages à plusieurs reprises. Ce n’est que depuis le 1er juin que le gestionnaire s’autorise à lever progressivement les barrières. En septembre, il était enfin revenu à son niveau de fonctionnement quasi normal, soit 36 transits quotidiens contre 24 en janvier.
8,5 Md$ pour lutter contre le manque d’eau
En complément des stratégies de conservation qui ont permis de réduire de 12 % la consommation d’eau pour chaque passage au cours de l’année fiscale, les autorités vont aligner 8,5 Md$ au cours des sept prochaines années.
Les derniers investissements d’ampleur remontent. Neuf ans de travaux et près de 9 Md$ auront été nécessaires pour venir à bout d’un nouveau jeu d’écluses en 2016, lequel a rendu possible le passage des porte-conteneurs de 14 000 EVP alors que seuls des navires de 5 000 EVP pouvaient y transiter.
L’Autorité du canal de Panama procèdera ensuite, en 2018, à l’élargissement des écluses de façon à permettre le passage d’unités de 51,25 m de large, soit 20 rangées de conteneurs sur leur largeur en pontée, contre 19 auparavant.
Alphaliner relevait dès 2018 que le trade Asie-côte Est des États-Unis avait récupéré, grâce à cet élargissement, presque toute la part de marché qu’il avait concédée au canal de Suez entre 2010 et 2016.
Adeline Descamps
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