Baromètre des risques supply chain : les entreprises face au défi d’une fragmentation du monde (Kyu)
Par Ibrahima DIALLO
30 janvier 2024 / 11:03

Le cabinet de conseil Kyu vient de publier son baromètre annuel des risques pesant sur la supply chain. Si la crise sanitaire est sortie du top 10 des inquiétudes des acteurs interrogés, les crises géopolitiques fragmentent le monde en blocs et les modèles d’approvisionnement à se régionaliser. Non sans risques.

Premier risque cité par les responsables de supply chains sondés par Kyu, la volatilité de la demande sur fond d’inflation et de croissance atone donne actuellement des sueurs froides. Face à cette incertitude, est-il nécessaire de reconstituer des stocks ?  Dans l’électronique et les télécoms, les exportations de circuits intégrés ont baissé de 20 % depuis la Chine, le Japon, la Corée et Taïwan en 2023.

Aux États Unis, les directeurs d’achats citent fréquemment leur incapacité à évaluer la demande comme la problématique ayant le plus d’impact sur leurs relations avec les fournisseurs.

En Europe, la grande distribution subit les mêmes effets auquel s’ajoute la montée en puissance du marché de l’occasion. Dans tous les secteurs, cette tendance impose aux fournisseurs de la souplesse et une proximité géographique, et aux entreprises une meilleure planification de la supply chain. 

Forte hausse des obstacles au libre-échange

Deuxième source d’inquiétude : la multiplication des conflits et des tensions (Ukraine, Moyen-Orient, Taïwan…). Cette flambée de violence se traduit par un nombre grandissant d’obstacles au libre-échange (sanctions embargos, augmentation des droits de douane…).

« On en compte actuellement environ 3 000 contre quelques centaines il y a encore 4 ou 5 ans, observe Thibaud Moulin, consultant chez Kyu. Nous observons une réorganisation des flux pour contourner ces contraintes et l’émergence de pays connecteurs entre les grands blocs comme le Vietnam et le Mexique. »

A ces trois tendances fortes viennent s’ajouter l’inflation (en particulier sur les prix des carburants, eu égard aux conflits et tensions au Moyen-Orient, les menaces cyber et la pénurie de main d’œuvre qualifiée, y compris dans la logistique.

« Dans le transport routier, il manque actuellement 3,5 millions de chauffeurs dans le monde dont plus de 2 millions en Chine, pointe Thibaud Moulin. En Asie, au Vietnam par exemple, les secteurs en pointent attirent des ouvriers du textile qui manquent ensuite à ce secteur. »

De plus, des problèmes de qualité apparaissent, conséquences de la réorganisation des chaines avec de nouveaux fournisseurs. Le climat et ses incidences sur le transport maritime, ainsi que les défaillances du transport maritime et une conformité réglementaire de plus en plus contraignante en matière de RSE viennent compléter ce top 10.

Du « glocal » plutôt que des relocalisations

Alors que la pandémie de Covid-19 a fait entrer les chaines d’approvisionnement une ère d’incertitude et remis en question les bases de la mondialisation, l’heure est aujourd’hui au repli sur soi et au nearshoring.

« A grande échelle ce mouvement participe à la fragmentation du monde, contribuant à l’inflation des coûts et à la fragilisation des pays émergents », prévient le baromètre de Kyu. Cette tendance au « glocal » (la production multi-locale) est forte et contredit les perspectives de réindustrialisation et de relocalisation.

Tous secteurs confondus, 44 % des entreprises interrogées par Kyu souhaitent réintégrer des activités externalisées. Pour Laurent Giordani, fondateur et dirigeant de Kyu, « les relocalisations ne se feront que vers des pays considérés comme amis et offrant d’importants avantages compétitifs comme le Mexique pour les Etats-Unis et l’Europe de l’Est pour le Vieux Continent ».

Selon un sondage réalisé par OpinionWay pour By. O Group et publié le 20 janvier, neuf entreprises françaises sur dix n’envisagent pas de relocaliser leurs activités dans l’Hexagone.

Sophie Creusillet 

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