Alors que son premier ro-pax au GNL est en service, la construction du second est enclenchée. Le futur Capu Rossu de Corsica Linea sera déployé en 2026 sur les lignes exercées en DSP entre la Corse et Marseille, où les navires brûlent surtout du fuel alors qu’une zone d’émissions contrôlées se profile en Méditerranée. Au vu des investissements à consentir sur ce marché de prix, la route vers la décarbonation sera ardue.
La cérémonie de la découpe de la première tôle du futur Capu Rossu s’est tenue le 11 septembre sur le site de Weihai du chantier chinois CMI Jinling, là où se construit le second navire bicarburant GNL et dixième de la flotte de Corisa Linea.
Commandé en janvier dernier, le navire affrété auprès de Stena est le 13e de la classe E-Flexer du groupe suédois, ces unités conçues sur une base technique commune et configurées ensuite selon les spécifications de leurs clients. Avant la compagnie corse, Brittany Ferries, DFDS ou encore la propre filiale shipping du groupe Stena ont déjà souscrit au concept.
120 remorques
Enregistré sous pavillon français premier registre comme l’ensemble de sa flotte, le ro-pax de 202,9 m de long et large de 28,80, disposera d’une capacité de 1 035 passagers et d’un garage en mesure de charger jusqu’à 120 remorques et 180 véhicules.
Attendu pour mars 2026, le Capu Rossu, dont le nom convoque les paysages de granite rose du golfe de Porto et Cargèse, devrait être mis en service en juin de la même année.
Le nouveau fleuron de la société sera déployé sur les lignes opérées en DSP entre la Corse et le continent, Corsica Linea étant titulaire avec La Méridionale de la desserte maritime des cinq ports de l’île (Ajaccio, Bastia, Porto Vecchio, Ile Rousse et Propriano) au départ de Marseille.
Un service public vert
« Après l’entrée en flotte d’un premier navire au GNL, le Capu Rossu consolidera le déploiement d’un service public maritime de marchandises et de passagers Corse-Continent plus vertueux sur le plan environnemental », soutient Pierre-Antoine Villanova, le directeur général de la compagnie.
Le premier, l’A Galeotta, construit par le chantier vénitien Visenti, est entré en flotte en janvier 2023. Pour ce premier investissement industriel dans la construction d’un cargo-mixte, l’entreprise a déboursé plus de 150 M€.
Son profil carbone tient les mêmes promesses que pour les autres navires au GNL, à savoir une éradication complète (99 %) des oxydes de soufre, 85 % des oxydes d’azote et particules fines et une réduction de 20 à 25 % des émissions de CO2, le point le plus faible du gaz naturel liquéfié.
Corsica Linea a rehaussé l’an dernier son objectif de réduction des émissions de CO2, qui n’est plus de 30 % mais de 40 % en 2030 par rapport à 2022 afin de tendre vers le net zéro en 2040. « Entre 2022 et 2024, nous avons réduit de 15 % nos émissions de CO2 rapportées aux milles nautiques », ajoute le dirigeant, aux manettes depuis mai 2016.
Transition pragmatique
Le GNL est appréhendé comme une étape par la direction, l’idée étant de basculer vers le bio-GNL (à partir de biomasse pour pallier la problématique du méthane) voire l’e-GNL (à partir de l’électricité verte).
En attendant, Pierre-Antoine Villanova se range dans le camp des pragmatiques, considérant le gaz comme une solution « technologiquement mature, immédiatement opérationnelle, et adaptée aux nouvelles réglementations en matière d’émissions atmosphériques en Méditerranée ».
Cinq ans après l’IMO 2020, qui a plafonné la teneur en soufre des carburants à 0,5 %, les armateurs naviguant en Méditerranée devront en effet se soumettre dès le 1er mai 2025 aux exigences de la zone de contrôle des émissions (ECA, Emission Control Area) ciblant les oxydes de soufres et les particules, à l’instar de ce qui existe déjà en Manche et en mer du Nord. Il faudra alors carburer avec un combustible dont la teneur en soufre n’excède pas 0,1 %.
Le transporteur éprouve parallèlement d’autres carburants, notamment les biocarburants (à 30 %) qui ont été soutés sur cinq des neufs navires de la flotte. Pour sortir du tout-fossile, la direction n’a pas de dogme, plaide le mix énergétique, puisant dans le gisement de technologies à portée dont l’efficacité a été prouvée.
2026-2027, années stratégiques pour la DSP Corse
Les années 2026 et 2027 – quatrième année et cinquième d’année de la DSP corse en cours attribuée pour sept ans –, devraient donc être celles des livraisons de navires plus vertueux sur le marché de la Corse qui carbure essentiellement au fuel.
Le rachat par CMA CGM de La Méridionale, délégataire aux côtés de Corsica Linea de la DSP corse sur Ajaccio et Porto-Vecchio, a permis de déclencher la commande de deux ro-pax, équipés chacun de deux moteurs électriques avec un pack de batteries de 10 à 12 MW et quatre groupes électrogènes qui pourront être alimentés par du GNL ou du méthanol.
« Cela permettra de décarboner les traversées maritimes et de passer sur batteries une fois à quai en Corse », avait alors assuré Jean-Emmanuel Sauvée, le président du conseil d’administration de la Méridionale. Les deux nouveaux navires, qui devaient être livrés en 2026, ont été ajournés d’une année.
Pour ce qui est de la desserte maritime corse, la route vers la décarbonation sera ardue. Au regard des investissements à consentir, tenir une trajectoire financière saine sur ce marché aux prix serrés relèvera du jeu d’équilibriste.
Adeline Descamps
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