Les conditions météorologiques ont empêché la tenue de la cérémonie à l’occasion de l’inauguration du porte-conteneurs de 24 000 EVP de MSC pour laquelle le transporteur genevois avait convié un parterre cosmopolite d’invités. Mais le clou de l’événement était surtout la présence d’un mégamax dans l’enceinte du port de Marseille Fos.
Mâchoires serrées de déception sur les quais du terminal de Seayard à Fos (port de Marseille) où avait été aménagée une tente de prestige pour accueillir un parterre d’invités cosmopolite à l’occasion de l’inauguration du MSC Mette, porte-conteneurs de 24 116 EVP portant le prénom de l’épouse de Søren Toft, le directeur général de MSC. Un signe d’élégance et un signal encourageant à l’égard de l’homme arrivé chez MSC en décembre 2020 pour assurer la relève de Diego Aponte, lequel à succédé à son père Gianluigi, à la tête du conseil d’administration.
La grande maison genevoise, qui tient fermement à distance tout écart de conduite, de langage et de communication, a néanmoins dû abdiquer son absolu contrôle de tout face aux conditions météorologiques.
La force 7 du vent Est, dont ont témoigné les deux conteneurs renversés sur le terre-plein, a contraint la direction de MSC, représentée par Søren Toft et Philippe Lestrade, président de la division cargo de MSC France, à annuler la cérémonie. Une mini-farce à l’italienne dont se serait bien passée cette entreprise qui ne se met à communiquer que depuis peu. Mais chez MSC, on ne badine pas avec la sécurité des convives.
24 116 conteneurs
Quoi qu’il en soit, le clou de l’événement était ailleurs, dans la présence d’un mégamax dans l’enceinte du port de Marseille.
Les coups de houle de 41 nœuds n’ont pas été suffisamment fortes pour rafaler ce monstre d’acier de 230 757 GT, bordé par deux remorqueurs bâbord et chargé symboliquement de 24 116 conteneurs vides estampillés du logo de la marque.
Le navire long de 399 m et de 61 m de large, autorisant 24 rangées de conteneurs en long et en large, est arrivé à Fos le 21 octobre en provenance de Gioia Tauro et doit reprendre la route dans les tout prochains jours à destination de Shanghai où il est attendu le 7 décembre.
Reflétant les difficultés actuelles du secteur, le porte-conteneurs empruntera la route longue historique, en contournant l’Afrique sans passer par le canal de Suez et à la vitesse réduite de 11,5 nœuds (alors que sa vitesse de service est de 22,5 nœuds).
Une fois en Chine, il devrait être commercialement inactif pour un temps non défini, dans l’attente de l’affectation de son service.
Taux de fret en rade
Le dernier trimestre de l’année est rude pour le secteur du conteneur. Les taux spot moyens au départ de Shanghai et à destination de l’Europe du Nord ont baissé la semaine dernière pour la onzième semaine consécutive, à 1 124 $ par conteneur de 40 pieds selon le Shanghai Containerized Freight Index (SCFI). Cela représente une baisse de 42 % depuis la fin du mois de juillet. Les taux spot ont donc désormais atteint le niveau le plus bas de ces six dernières années.
Après avoir supprimé cinq traversées que MSC et Maersk opèrent conjointement entre Asie et Europe du Nord pendant et après les vacances de la Golden Week, les deux partenaires de l’alliance 2M ont reconduit des annulations de la fin octobre (semaine 43) jusqu’à la première moitié du mois de décembre (semaine 49) afin de remédier à l’érosion irrémédiable des taux de fret.
Les annulations de départs n’ont jusqu’à présent pas permis d’atténuer la pression sur les taux de fret spot en raison d’une demande choquée par la conjoncture ambiante et une suroffre.
Pas le plus grand de la flotte MSC
Avec ses 24 116 EVP, le MSC Mette, enregistré sous pavillon du Libéria et armé par un équipage de 26 marins (tous Ukraniens sauf un Polonais), n’est pas le plus grand de la flotte du transporteur italo-suisse. Yangzijiang Shipbuilding vient de lui livrer le MSC Micol (24 346 EVP), sistership du MSC Turkiye, livré en août.
En propriété, avec un financement assuré par un leasing chinois (ICBC), le MSC Mette a été livré fin juillet par le chantier naval Jiangnan du groupe de construction naval chinois CSSC, un mois après le MSC Nicola Mastro, livré par un des autres chantiers du groupe, Hudong Zhonghua. Il est le sixième d’une série de huit navires que CSSC doit remettre à MSC cette année.
Motorisation conventionnelle
Comme tous les navires de cette série, le porte-conteneurs est propulsé par un moteur principal WinGD, alimenté avec un carburant conventionnel (VLSFO) et configuré pour le GNL.
L’énergie pour les cargaisons à température contrôlée est fournie par 2 026 prises frigorifiques. Il est équipé d’un seul scrubber pour traiter tous les rejets de la cheminée principale et est doté de l’alimentation électrique à quai (cold ironing).
Le navire a commencé sa carrière sur le service Dragon, lancé en solo, en février, par MSC entre Asie et Méditerranée, et de retour à Marseille Fos avec la première escale du MSC Sola le 17 avril dernier, trois ans après être sortie des radars.
Si les MSC Nicola Mastro et Mette y étaient pérennisés, ils seraient les plus grands de ce service.
Philosophie carbone
En matière de neutralité carbone, le groupe a tardé avant d’inscrire une date à son agenda climatique en prenant l’engagement en septembre 2021 d’une décarbonation complète de sa flotte d’ici 2050.
Dans plusieurs de ses interventions, Søren Toft a pu se montrer sceptique sur la date butoir de décarbonation à 2050 et sur les objectifs pour parvenir à rendre neutre en carbone la flotte mondiale. C’est aussi Søren Toft, qui a annoncé, dès son arrivée, la première commande de onze navires de 15 300 EVP au GNL. Toutefois l’armateur y est allé, avec un risque mesuré et maîtrisé, via des contrats d’affrètement à long terme et une motorisation « LNG ready ».
Dans un entretien accordé au Financial Times, le patron de MSC n’avait pas mâché ses mots à l’égard des « plans de l’UE » pour réduire les émissions de carbone, estimant à raison qu’ils auraient un effet contreproductif si les carburants à faible teneur en carbone n’étaient pas facilement disponibles.
Taxe carbone
Il s’est aussi montré partisan de l’introduction de mécanismes basés sur le marché, et notamment une taxation sur le carbone mais sans mettre un curseur sur le prix à la tonne de CO2 qui serait nécessaire pour être suffisamment dissuasif.
Søren Toft fait aussi des partisans d’un fonds de R&D avec un statut d’ONG supervisée par les États membres de l’OMI, alimenté par une contribution obligatoire sur la tonne de carburant, pour accélérer les ruptures technologiques.
De quoi consolider son leadership mondial
Depuis qu’il a atteint la première place en janvier 2021, MSC a consolidé sa position de premier transporteur mondial de conteneurs en multipliant les commandes et les achats de seconde main. Son carnet de commandes de 125 navires est de loin le plus important du secteur, avec 1,5 MEVP.
À lui seul, MSC devrait réceptionner cette année 14 mégamax et 22 néo-panamax.
Adeline Descamps
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